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prétentions ; la lutte contre les Slaves de l’Est, la germanisation des « Barbares » ; c’était la tradition même de Charlemagne et des Otto. L’empereur Rodolphe, dans les plaines du Marchfeld, près de Vienne, vainquit en l’an 1278 le puissant roi des Tchèques Otokar, et conquit sur lui Vienne. C’est un souvenir toujours d’actualité que les Allemands commémorent volontiers. La fondation de la Marche de l’Est, l’Oestreich, l’Autriche, s’est faite aux dépens des Slaves ; elle s’est enfoncée comme un coin entre les Tchèques du Nord et les Slaves du Sud. Le souverain Habsbourg, par les mérites qu’il acquiert dans la lutte contre les Slaves, se crée des titres à la suprématie sur tous les Allemands ; c’est la fonction même de l’Empereur : chef des Allemands, dominateur des Slaves et des Magyars. Lorsque le chef de la Maison de Habsbourg devint, par mariage, roi de Bohême, roi de Hongrie, roi de Croatie, sa royauté ne fit que consacrer sa victoire sur les populations non allemandes aux dépens desquelles s’agrandissait la Marche de l’Est. Il pensait ainsi les germaniser plus aisément ; et l’on put croire, à diverses reprises, qu’il y était parvenu. Après la bataille de la Montagne Blanche (1620) et les massacres qui suivirent, il ne fut plus question, pendant deux siècles, des Tchèques ni de l’indépendance bohème. Ainsi : tradition impériale, Austriæ est imperare orbi universo, le fameux A.E.I.O.U ; — tradition de la croisade contre les Slaves ; — tradition allemande : « Vous oubliez que je suis un prince allemand, » dira François-Joseph à Napoléon III lui parlant d’extension française sur la rive gauche du Rhin. Cette tradition triple et une de la Maison de Habsbourg n’a jamais été plus vivante que dans le cœur du Kaiser Franz.

Le chef de la Maison a pour premier devoir de maintenir et d’accroître ce que l’ancienne philosophie politique appelait son État. C’est une honte pour un souverain de transmettre amoindri à son successeur l’héritage qu’il a reçu de son prédécesseur. Chaque souverain doit s’efforcer d’enrichir et d’agrandir, par tous les moyens, la fortune de la Maison. Le mariage est l’un de ces moyens : la plupart des pays disparates qui composent l’héritage des Habsbourg ont été réunis par mariage ; cela suffit, selon les anciens juristes impériaux, pour créer un droit au souverain et un devoir d’obéissance aux sujets. C’est dans les vieux juristes du moyen âge, imbus du droit impérial romain qu’il