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Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/57

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Russes, François-Joseph eut un accès de colère et de stupeur ; mais il ne comprit pas. De fait, il existe encore, dans toutes les parties de la monarchie, — cette guerre l’a prouvé, — de profondes réserves de dévouement à la Couronne : tant les peuples sont longs à devenir adultes, surtout quand leurs maîtres travaillent à les maintenir dans l’enfance. Même en dehors des Allemands et des Magyars, beaucoup de sujets des Habsbourg se reconnaissent en première ligne un devoir envers la Couronne ; en seconde ligne seulement un devoir envers leur nationalité. Les peuples ont le sentiment confus que, pendant de longs siècles, les intérêts de la dynastie ont coïncidé avec les leurs. La Couronne a maintenu l’équilibre social, et c’est de cela qu’encore aujourd’hui elle tire un prestige et une autorité considérables.

Nul souverain Habsbourg ne s’est plus complètement que François-Joseph identifié à sa Maison. Il est un pontife qui entretient un culte, un gardien qui veille sur un dépôt sacré. C’est lui qui vraiment aurait pu dire : l’Etat c’est moi, à la condition d’entendre que « moi, » ici, ne s’applique pas à un individu mais à une lignée, à une suite traditionnelle, à une Maison. C’est ainsi qu’il a compris la mission dont chaque Habsbourg croit que la Providence l’a investi ; Joseph II, par exemple, ou Marie-Thérèse, eurent une autre conception, plus réformiste, plus active, de leur rôle. M. Steed a un mot profond et juste : la fonction des Habsbourg, c’est « de conjurer la déviation et de restaurer la continuité. » C’est bien ainsi que François-Joseph interpréta son devoir. Que sa conception fût assez ample et adéquate à des temps troublés où il aurait fallu refondre la vieille monarchie et lui imprimer une nouvelle direction et un nouvel élan, c’est une autre question à laquelle nous essayerons de répondre et à laquelle, mieux que nous, répondra un prochain avenir.

La Maison de Habsbourg, c’est une personnalité historique, une tradition vivante. Or, cette tradition est allemande et anti-slave : c’est là un fait capital. Le chef de la Maison ne croit pas avoir reçu d’En-Haut pour tâche de faire impartialement le bonheur de ses sujets sans distinction de race, mais bien d’assurer la domination de la race et de la culture allemandes. Quand Rodolphe de Habsbourg, petit seigneur des bords de l’Aar, reçut, au XIIIe siècle, le titre des empereurs qui se disaient les successeurs des Césars romains, il recueillit aussi leurs traditions et leurs