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le garde à vous[1] ! » Le Président descend de son auto, suivi du ministre de la Marine Augagneur et des généraux. Il passe lentement devant le front des troupes, gagne le milieu du carré et présente le drapeau. Sa voix, « forte et bien timbrée, » dit un témoin[2], portait jusqu’aux extrémités de l’esplanade. À la fin de son allocution, il remit le drapeau à l’amiral, qui le tendit au colonel du 2e régiment ; puis la brigade se massa en lignes de section par quatre et défila devant le Président, avec ses trophées, tandis que des avions s’élevaient à contrevent et décrivaient leurs orbes au-dessus du cortège.

C’est que cinq taubes, la veille, avaient survolé Saint-Pol. Bien que la visite du Président eût été tenue secrète, ils en étaient informés : ils connaissaient le jour, l’heure, le lieu et, dans le papier qu’ils lancèrent avec leurs bombes, ils prirent soin de nous avertir qu’ils s’invitaient à la fête !

On les attendait, mais aucun taube ne parut. La fête se déroula sans incident, et la seule surprise de la journée fut donnée par nos Jean Gouin, fiers de l’honneur qu’ils recevaient et qui voulurent s’en montrer dignes : au lieu d’une troupe fatiguée, à bout de souffle, ils présentèrent à leurs visiteurs le spectacle inattendu d’une formation manœuvrière de premier ordre. Merveilleux ressort du tempérament marin ! Les spectres de la veille, les revenans de Melle, de Dixmude et de Steenstraete étaient déjà « parés » pour de nouvelles aventures.

Moins de quinze jours plus tard, radoubée, gréée de frais, la brigade navale mettait le cap sur Nieuport.


Charles Le Goffic.
  1. Journal du fusilier Maurice Oury.
  2. Carnet de l’enseigne P… Ce fut l’enseigne de Villers qui fut désigné comme porte-drapeau.