briser M. Trépoff, Russe authentique et autochtone, a été la présence dans son Cabinet de ce M. Protopopoff, qui nous fut présenté, lors de la visite des délégués de la Douma aux pays alliés, comme un parangon de patriotisme et de libéralisme. On dit bien qu’au retour, il eut à Stockholm une entrevue compromettante, d’où devait naître un journal fondé avec des capitaux dont la source, au point de vue russe, n’est pas sans mélange. Ce qui est sûr, c’est que M. Protopopoff, qui fut jadis l’idole de la Douma, en est maintenant, révérence gardée, la bête noire. Comme il a survécu ministériellement à M. Trépoff, au comte Ignatieff, ancien ministre de l’Instruction publique, à l’ancien ministre de la Guerre, le général Chouvaieff, et même au ministre des Affaires étrangères, M. Pokrowsky, sa collaboration est le principal danger auquel soit exposé le nouveau président du Conseil, le prince Galitzine. La Douma s’affirme en effet de plus en plus comme un parlement de plein exercice, ne fût-ce que par le goût et presque le besoin de la violence et du scandale, mais aussi, heureusement, par de plus hauts et de plus purs soucis. D’instinct, elle est portée à suivre la maxime ancienne, que si les calomnies sont pernicieuses, les accusations sont nécessaires dans les républiques ; prenons « républiques » au sens large et disons : dans les États populaires ou simplement représentatifs ; partout où des hommes sont assemblés; mais on y glisse, sans s’en défendre assez, de l’accusation à la calomnie, qu’on ne distingue pas toujours l’une de l’autre ; et c’est peut-être sous ce rapport, premièrement, que la Russie modernisée tend à la démocratie. En tout cas, la séparation est trop mince pour qu’on puisse la voir à distance, surtout lorsque, par le malheur des temps, les moyens manquent de s’informer ou de vérifier l’information. Une allusion, glissée de la meilleure foi du monde, par M. Pourichkiévitch, dans un discours à la Douma, aux prétendues sévérités de la justice française à l’égard d’un grand commerçant parisien, qui aurait fait à l’armée des fournitures de mauvaise qualité, et qui, en dépit des influences suscitées pour faire cesser les poursuites, aurait été quand même, sous la menace de démission du général Joffre, pris, jugé et « pendu; » cette anecdote, et dix autres pareilles nous avertissent d’être prudens, par réciprocité. Un si grand intervalle, et que les circonstances font si difficile à combler, tire un voile et met du noir entre la Russie et nous. Dans cette obscurité, pourtant, le dernier rescrit du Tsar, si nous en avons le texte exact, fait jaillir trois points lumineux. Nicolas II recommande au prince Galitzine, pour en former l’objet
Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/717
Apparence