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popularité de François-Joseph. Il était pour eux un étranger qui les dédaignait, qui leur avait fait du mal, dont ils méprisaient la conduite privée et qui exigeait d’eux, par la force, la soumission à son autorité et l’oubli de leur glorieuse histoire.

Il serait psychologiquement exagéré de se représenter François-Joseph comme un ennemi des Slaves par principe et par réflexion ; il n’était pas l’homme d’un système, mais il était à la fois faible et dur, ce qui n’est pas contradictoire, et cédait facilement aux influences du dehors. Il ne connaissait pas, dans ses États, de nationalités, mais seulement des sujets envers lesquels il ne se croyait pas obligé de tenir les engagemens qu’il avait pu prendre, dès qu’il estimait que l’intérêt de la Couronne l’autorisait à y manquer. La conception d’un empire partagé entre deux races dominantes, l’Allemande d’un côté de la Leitha et la Magyare de l’autre, est proprement hongroise. C’est le Hongrois qui a besoin d’opprimer les autres races de la Transleithanie, s’il veut garder dans l’Empire une place beaucoup plus grande que celle à laquelle son importance numérique lui donnerait droit. Ce sont les hommes d’État hongrois, et particulièrement Andrassy, qui ont fait passer cette conception dans la politique de François-Joseph ; celui-ci n’a pas vu la dangereuse impasse dans laquelle ses conseillers magyars conduisaient la monarchie et la Maison de Habsbourg. C’est pour s’assurer l’appui des seuls Magyars que l’Empereur a sacrifié à leurs vengeances ces mêmes Croates et ces mêmes Serbes, ces mêmes Roumains de Transylvanie et ces mêmes Slovaques, qui avaient sauvé sa couronne, en 1849, des fureurs de la Hongrie révoltée. L’histoire dira que, durant tout ce long règne, les deux forces qui ont dominé et dirigé François-Joseph furent celles qui lui avaient porté les coups les plus durs et les plus retentissans : les Magyars, qui manquèrent détruire son trône en 1849, et les Hohenzollern, qui, en 1866, exclurent les Habsbourg des affaires allemandes.


III

L’histoire intérieure du règne de François-Joseph est éclairée et s’explique par les événemens extérieurs ; ce sont eux qui déterminent la politique de l’Empereur ; il est agi plus qu’il n’agit : « brillant second, » dira Guillaume II après la Conférence d’Algésiras, mais toujours « second » jusqu’à l’absorption