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complète par le grand premier rôle pendant la guerre actuelle. En résumant les grandes phases de ces soixante-sept années si pleines d’événemens, nous chercherons seulement à montrer l’action des événemens sur François-Joseph et sa propre réaction sur les événemens.

Monté sur le trône en pleine tourmente, le 2 décembre 1848, le jeune Empereur, menacé par les Hongrois révoltés, doit son salut à l’intervention de l’armée de Paskievitch que le tsar Nicolas Ier envoie à son secours, et à l’énergique appui du ban de Croatie Jelatchitch et des Roumains de Transylvanie. La crise de 1848 a jeté dans toute l’Europe un levain d’indépendance et posé le double problème des libertés politiques et des autonomies nationales ; François-Joseph, dans son empire, rétablit un régime plus centralisateur, plus oppresseur que n’avait été le gouvernement de son oncle Ferdinand. L’Italie gémit sous la botte de Radetzki. Le régime de Schwarzenberg et d’Alexandre Bach est un retour pur et simple à l’absolutisme. L’Autriche, groupant autour d’elle les petits États allemands, apparaît à Olmütz en triomphatrice au-dessus de la Prusse humiliée. Ce fut le plus grand moment du règne de François-Joseph ; il put se croire appelé à régenter l’Allemagne, à terrasser la révolution et à imposer la loi de sa volonté souveraine à tous ses sujets, sans distinction de race ou de langage.

La crise européenne provoquée par la guerre de Crimée fut pour François-Joseph une première déconvenue ; il ne sut ni se montrer reconnaissant et rendre à la Russie l’assistance qu’il en avait reçue en 1849, ni se ranger franchement aux côtés de Napoléon III et de la reine Victoria et lier sa politique à la leur. Cavour fut plus alerte ; il revint du Congrès de Paris avec l’assurance qu’il obtiendrait, pour la libération de l’Italie, le concours de Napoléon III.

La guerre d’Italie est pour François-Joseph le commencement des déboires, mais non la fin des illusions. Dans l’émancipation voulue et poursuivie par l’Italie avec l’aide de Napoléon III, il ne vit qu’une injuste spoliation arrachée par la force des armes, qu’un amoindrissement des domaines héréditaires de sa Maison, et il ne perdit jamais l’espoir de recouvrer par une victoire les provinces perdues par une défaite. C’est là un fait d’une importance capitale dans l’histoire de la politique de François-Joseph ; nous le verrons, vieillissant,