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On sait comment ces professeurs écrivent l’histoire d’autrefois et celle d’aujourd’hui. Un écrivain suisse, l’un des maîtres les plus distingués de l’Ecole polytechnique de Zurich, M. Antoine Guilland, très renseigné sur les hommes et les choses d’Allemagne, a écrit, voilà plus de quinze ans, tout un livre pour démontrer que dans les ateliers scientifiques et dans les laboratoires d’érudition où se prépare, à la façon d’une mystérieuse combinaison chimique, l’histoire accommodée aux convoitises des Hohenzollern et des Habsbourg, les manipulateurs de documens et de fiches, dressés à l’école d’un Mommsen, d’un Treitschke, d’un Lamprecht ou d’un Spahn, traitent volontiers les textes comme de simples dépêches d’Ems. C’est d’ailleurs ce qu’avait bien vu, avant l’Année terrible, notre Fustel de Coulanges, fort malmené en son temps, précisément à cause de cette clairvoyance, par les philologues teutons et par leurs disciples. L’équipe historique d’outre-Rhin était déjà devenue, pendant la paix, sous la direction des futurs signataires du manifeste des « intellectuels » allemands, une immense agence Wolff. Nous avons pu voir de quelle propagande ces « intellectuels » sont capables en temps de guerre. Avec un soin, une application, une patience qu’on ne saurait contester, ils se procurent les adresses nominatives de toutes les personnes qui, de près ou de loin, tiennent aux académies étrangères et aux milieux lettrés. Les moindres centres de propagande possible sont repérés, en tous lieux, avec le soin méticuleux que les Allemands, — cela est incontestable, — savent apporter dans l’organisation de leurs services d’espionnage. Ils ont fait ce travail notamment pour les États-Unis d’Amérique. Non seulement les professeurs des grandes universités d’outre-mer, Harvard, Columbia, Princeton, Yale, Berkeley, figurent sur les répertoires d’une agence allemande qui connait leurs adresses particulières et sait le moyen d’atteindre leur domicile privé ; mais jusqu’au fond des États les plus lointains de la Confédération américaine, les plus petites écoles, les bibliothèques naissantes, les plus modestes sociétés littéraires ou scientifiques sont méthodiquement obsédées de communications et de réclames qui, par des voies multiples, se dirigent vers un but unique.

Heureusement, l’Institut de France a non seulement des amis, mais des représentans sur les rives transatlantiques et