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Ansano, il le fit saisir et mettre en prison, car l’Empereur avait ordonné d’exterminer tous les chrétiens. Saint Ansano fut donc condamné à être précipité dans une chaudière de poix bouillante, et les soldats exécutèrent cet ordre ; mais il ressortit sain et sauf de ce bain brûlant. Le gouverneur se mit alors en fureur et commanda de le décapiter assez loin de la ville, au bord du fleuve Arbia. Or, il n’avait que vingt ans ! Mais les chrétiens vinrent secrètement pendant la nuit chercher son corps, qu’ils cachèrent soigneusement, et, plus tard, quand tout le peuple se fut converti, ces saintes reliques furent portées en grande cérémonie jusqu’à Sienne ; la porte par laquelle passa le cortège s’appelle encore de nos jours Porta San viene (le Saint vient). Et saint Ansano fut proclamé patron de Sienne et protecteur de la cité[1].

Quand, de nos jours, on se rend de la vieille Tour à la « Via dei Tintori, » ou, comme elle s’appelle maintenant en l’honneur de Catherine, « Via Benincasa, » il faut prendre un chemin que l’on nomme « Fossa di San Ansano. » En dépit de ce nom, il n’a rien de sombre ni de funèbre ; c’est, au contraire, l’une des plus jolies voies de Sienne. En passant au-dessous du grand hôpital de la Scala, on longe les murs élevés de ce gigantesque bâtiment, escarpé comme un rocher, et l’on aperçoit, là-haut, des Sœurs de Saint-Vincent, dans leur livrée bleue, avec de grandes cornettes blanches, s’arrêter un instant sur les balcons, dans l’ouverture des fenêtres et des portes irrégulièrement percées, avant de rentrer de nouveau dans les salles de malades. Il est vrai que la vue est digne d’être admirée.

Derrière un bas parapet de maçonnerie, la Vallepiatta se creuse ainsi qu’une grande coupe verte, remplie jusqu’au bord de vignes et d’oliviers, de figuiers aux grandes feuilles et de noyers aux rainures dorées, de maïs verts, luisant dans la terre rouge entre les troncs rugueux des oliviers. Au fond de la vallée, quelques maisons décolorées ; au-dessus d’elles, de luxurians coteaux, dorés de blés mûrs, verts de jeunes maïs et parsemés d’oliviers argentés ; plus haut encore, de graves cyprès entourant un monastère se dessinent sur le fond gris des

  1. Les reliques de saint Ansano furent transférées dans la cité, le 6 février 1107 (G. Olmi, I Senesi d’una votta, Sienne, 1883, pp. 333-341), Porta Sanviene, aujourd’hui Porta Pispini.