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militaire sur son gouvernement, ce qui permettrait à la Grèce, — toujours selon les dires du Roi, — de répondre aux protestations que l’Allemagne ne manquerait pas de soulever en lui montrant qu’elle avait eu la main forcée et que sa soumission ne devait être attribuée qu’à la force.

Le corps de débarquement, fort de 3 000 hommes environ, par lequel l’amiral ferait appuyer son ultimatum, n’aurait donc, à jouer qu’un rôle de pure figuration. M. Guillemin, ministre de France à Athènes, confirmait lui-même, tout dernièrement, ce point en déclarant au correspondant du Chicago Daily News à Athènes que ce corps « n’était nullement organisé en vue de faire face à une opposition active et armée, » que « de plus, l’amiral avait averti le Roi de l’itinéraire de ses troupes et de l’effectif de ce détachement, » bref, que, « dans l’esprit du commandant en chef de la flotte, ce corps de débarquement constituait une simple démonstration[1]. »

La journée du 30 novembre apporta cependant une sensible modification à la situation. On apprenait en effet qu’au cours du conseil de la Couronne tenu au palais la veille et auquel MM. Scouloudis et Gounaris, les pires ennemis de l’Entente en Grèce, n’avaient pas manqué d’assister, on avait, parmi les autres conséquences possibles du refus grec d’accéder aux demandes de l’amiral, envisagé l’hypothèse de la déposition éventuelle du Roi. Cette considération n’avait nullement modifié la résolution prise de repousser catégoriquement les demandes de l’amiral. On recevait également des nouvelles alarmantes de la province. Pour apprécier l’importance de ces nouvelles, il faut d’abord rappeler qu’entre autres mesures de précaution, les Alliés avaient demandé, une vingtaine de jours auparavant, le transfert au Péloponèse et dans d’autres localités de la Vieille-Grèce d’une partie des troupes et du matériel de guerre se trouvant en Thessalie. Le gouvernement royal avait acquiescé sans difficulté à cette demande. Or, on apprenait, le 30 novembre, que cet acquiescement n’était qu’apparent. Des soulèvemens avaient éclaté à Larissa, à Pharsala, à Trikkala et à Lamia ; cela, bien entendu, à l’instigation des germanophiles. Les trains transportant les troupes et le matériel avaient été attaqués et le déplacement demandé par l’Entente empêché[2]. Des

  1. Cette interview a paru dans le Figaro du 26 janvier dernier.
  2. Ce prétendu soulèvement avait été décidé à Athènes au cours de deux réunions secrètes qui furent tenues le 23 et le 25 novembre entre des officiers de l’état-major et des politiciens germanophiles. Au cours de la première réunion. M. Gounaris, qui naturellement y assistait, avait désapprouvé l’idée d’un tel mouvement, craignant les conséquences que cela entraînerait. Cette attitude du chef des germanophiles permit que le transport de trois batteries se fît sans difficulté. Mais, au cours de la séance du surlendemain, M. Gounaris craignant que le mécontentement que son attitude de l’avant-veille avait provoqué dans les milieux germanophiles n’augmentât, se rangea à l’opinion de ses collègues. L’arrêt du transfert des troupes et du matériel de guerre fut ainsi décidé à l’unanimité et devint, dès les jours suivans, effectif et complet.