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provoquer l’indignation de la conscience universelle. N’ont-ils pas dit et proclamé à maintes reprises et en se vantant que, s’ils risquaient d’être écrasés, ils livreraient la capitale en ruines ? Livrer l’Acropole en ruines n’était que le complément de leur ambition. Quelques débris de marbre seraient toujours restés, bons pour enrichir leurs descendans. »

Pour terminer le récit des événemens du 1er décembre, nous citerons deux témoignages, également accablans tous les deux, versés dans le dossier de la responsabilité que le Roi et la famille royale ont assumée dans la préparation de ces événemens.

Le premier de ces témoignages est celui du correspondant à Athènes du journal russe Birjéwya Védomosti, qui dénonce que, « le 30 novembre, le Roi, la Reine et le diadoque parcouraient les rues de la capitale pour enthousiasmer les réservistes et pour mieux préparer la boucherie qui devait avoir lieu le lendemain. A la tête des réservistes était placé pour la forme le général Papoulas. Mais effectivement toute l’affaire était personnellement menée par le Roi[1]. » Quant à l’autre témoignage, il émane d’un soldat du 1er régiment d’infanterie d’Athènes, Achille Yannopoulos, réfugié à bord d’un navire allié à Keratsini avec plusieurs de ses camarades après avoir refusé de tirer sur les soldats des Puissances protectrices. Ce soldat rapporte un mot prononcé par le diadoque au cours d’une revue passée par lui, à la veille également du guet-apens : « Je ne veux pas, dit le prince héritier, qu’un seul Français reste vivant en Grèce[2]. » Voilà le cri du cœur, le vrai sentiment qui animait la cour et l’entourage du Roi, à la veille du 1er décembre. On comprend donc facilement que le guet-apens dont les marins français, anglais et italiens tombèrent victimes ce jour à Athènes ait été considéré par le Roi et son gouvernement comme une brillante victoire, et célébré par le souverain dans un ordre du jour aux troupes qui fit une trop grande sensation pour qu’il soit besoin de le rappeler, enfin que le gouvernement de M. Lambros ait voulu en immortaliser le souvenir en substituant sa date sanglante au nom de M. Venizelos sur les plaques indicatrices des rues de toutes les villes de la Vieille-Grèce.

  1. Son récit fut reproduit par le Figaro du 15 janvier et par l’Homme Enchaîné du 16 janvier dernier.
  2. Ce témoignage se trouve consigné dans une longue correspondance de Salonique parue dans le Journal des Débats du 10 janvier dernier.