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étaient toujours là, prêts à prononcer l’accusation calomniatrice et à affirmer eux aussi que ceux qui ont servi de cible avaient tiré et que les victimes étaient les meurtriers… » Le témoignage de n’importe qui leur suffisait amplement. D’ailleurs, les bureaux de ces juges étaient constamment remplis de mercenaires à la solde de la bande Gounaris-Mercouris, qui se faisaient un devoir patriotique de prêter faussement serment pour que la culpabilité d’un vénizéliste fût établie.

Mauvais traitemens et délits contre l’honneur et la dignité des personnes arrêtées. — Les citoyens arrêtés ainsi sans enquête et au mépris de la loi subissaient, avant d’être écroués dans les prisons, les pires humiliations. Ils entendaient les plus lâches injures et subissaient les plus honteux traitemens, souvent même des coups et des blessures. Dans cet ordre d’idées, quatre ou cinq exemples sont caractéristiques et suffisent pour faire deviner le reste. Le général Korakas fut, pendant tout le parcours entre sa maison et la « Kommandantur, » battu, injurié et humilié de la manière la plus sauvage par les officiers et les soldats qui l’escortaient et qui allaient même jusqu’à cracher sur lui. Le maire, Benakis, qu’une compagnie entière de soldats emmena de sa maison, reçut en pleine figure, sur sa barbe toute blanche, — il a soixante-dix ans, — les crachats de tous ces hommes, excités par l’officier qui les commandait. Au milieu du chemin, il perdit connaissance et fut littéralement traîné par les rues, tel le pire des bandits-Il en fut de même pour le photographe Stylianidis, qui, battu sans pitié par ses bourreaux, leur criait : « Battez-moi tant que vous voudrez. Je fus, je suis et je mourrai vénizéliste… » jusqu’au moment où, succombant aux coups, il perdit connaissance…

Le haut fonctionnaire de la police, Maroudas, fut, au milieu de la rue, battu par un certain nombre de jeunes apaches, en présence des officiers qui l’escortaient et qui ne se bornaient pas à tolérer ce spectacle, mais encourageaient aussi et acclamaient les bandits. Quant à M. Mazarakis, le distingué directeur du ministère de l’Intérieur, " il fut si rudement frappé qu’il dut être transporté à l’hôpital.

Toutes ces scènes faisaient les délices des membres royalistes de la haute société et de l’entourage le plus immédiat du Roi. C’est ainsi que M. Ypsilanti, grand-écuyer du Roi, dont la