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cloches qui ne laisse aucun repos jusqu’à ce qu’on se soit mis en route et qu’on ait découvert d’où vient le son. « Viens, suis-moi, suis-moi loin de ton père et de ta mère, de les sœurs et de tes frères, de ta maison, de ton foyer, de ta ville et de la patrie ! Suis-moi dans le désert jusqu’aux quarante jours de jeûne et jusqu’à la tentation du démon, suis-moi quand je monte à Jérusalem, suis-moi jusqu’à la colonne du supplice, jusqu’à la flagellation, jusqu’à la couronne d’épines, jusqu’à la croix ! Suis-moi, non pas comme Pierre m’a suivi, mais comme Jean ; tiens-toi comme Marie au pied de la croix et vois mon sang ruisseler sur toi en gouttes brûlantes !… Suis-moi comme les saints martyrs m’ont suivi ; suis-moi comme saint Ansano jusqu’à la chaudière de poix bouillante, comme saint Pierre martyr jusqu’au témoignage du sang ! Suis-moi comme Magdeleine dans sa caverne de roches et comme saint Antoine dans le désert ! »

« Cette vision et cette bénédiction furent si puissantes, affirme Caffarini, qu’elle ne pouvait plus penser qu’aux saints ermites et à suivre leur exemple. »

Il y avait dans la maison de Fontebranda plusieurs sombres cachettes que Catherine put transformer en ermitages ; elle s’y réfugiait et jouait de son mieux à l’ermite, priant et jeûnant quand les autres prenaient leur collation, et se flagellant avec un fouet qu’elle avait elle-même fabriqué. Peu à peu, il parut à d’autres petites filles que c’était un jeu des plus divertissans ; alors, Catherine le leur expliqua et leur prescrivit des prières, montrant déjà par-là sa nature dominatrice. Cependant, elle finit par se lasser de ce simulacre : son esprit s’orientait vers une réalité et non vers une vaine illusion ; aussi, un jour, quitta-t-elle la maison, bien résolue à s’en aller par le vaste monde pour devenir une véritable ermite, et se dirigeant du côté de la porte San Ansano, elle s’enfuit.

C’était la première fois que Catherine se trouvait hors des murs de Sienne. Le chemin descendait vers Vallepiatta ; la ville disparut bientôt derrière elle, et l’enfant se trouva seule au milieu des arbres… La vallée s’ouvre entre des rochers de tuf dans lesquels se forment des anfractuosités qui, aux yeux de Catherine, pouvaient passer pour les cavernes du désert, et elle pénétra dans l’une de ces grottes. Elle s’était munie d’un pain et, ainsi pourvue, entreprit de vivre en solitaire. S’agenouillant,