Tito Bassi est un garçon de Vicence, le fils d’Ottavio Bassi, cordonnier, et de Clelia Gherambini, lingère. Il écrit ses mémoires, qui sont le dernier roman de M. Henri de Régnier, à l’automne de l’an 1773. Son père, dont Dieu ait l’âme, était un homme qui refusait de rien connaître hors de son métier, hormis de tailler le cuir, le coudre et le clouer, manier l’alêne et le marteau. Il n’avait pas de curiosité ; ses sentimens, il ne les disait pas. Mais Clelia était, par un contraste périlleux, toute imagination, fantaisie et rêverie. Un bon ménage, d’ailleurs, le bonhomme étant sourd et la jeune femme étant sage. Lui, confiné dans sa besogne, elle emportée à ses chimères, ne se rencontraient pas beaucoup. Et ils s’aimaient : lui, on verra comme, pour elle, il se précipite à la mort : et elle, épouse d’un vieux cordonnier, n’est pas sûre de n’être pas la favorite du Grand Turc ou la femme du Grand Mogol.
Ce ne sont ni Ottavio ni Clelia qui forment et composent jour à jour l’âme qu’ils ont donnée à Tito Bassi ; Ottavio veille seulement à ses chaussures, les veut solides et commodes ; Clelia ne veille qu’à son linge, le veut propre et fin. Son enseignement, Tito le doit à un excellent prêtre, et savant, l’abbé Clercati, ami de ses parens, dont il approuve la piété, la vertu, les obligeans cadeaux, soit d’une paire de fameux souliers, soit d’un élégant rabat de lingerie. L’abbé Clercati
- ↑ L’Illusion héroïque de Tito Bassi (1916) ; du même auteur : La canne de jaspe, La double maîtresse, Les amans singuliers. Le bon plaisir, Le mariage de minuit. Les vacances d’un jeune homme sage, Les rencontres de M. de Bréol, Le passé vivant, La peur de l’amour, Couleur du temps, La flambée, l’Amphisbène, Le plateau de laque, Romaine Mirmault (1897-1914, Mercure de France.)