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petite Catherine Benincasa avait déjà commencé de faire par ses pénitences enfantines et ses oraisons privées dans la cave et dans les greniers.

Depuis lors, elle se condamna à ne manger que du pain et des légumes. Quant à la viande, elle la posait dans l’assiette de son frère Stefano ou bien la jetait sous la table aux chats inséparables des cuisines italiennes.

C’est vers cette époque qu’un tout petit incident démontra à Monna Lapa à quel point Catherine tenait de son père. Un matin, elle l’envoya à l’église paroissiale Saint-Antoine pour offrir un cierge et prier le curé de dire la messe à une intention particulière.

Catherine s’acquitta de sa mission, mais au lieu de revenir aussitôt, elle resta à entendre la messe qu’elle avait demandée ; lorsqu’elle rentra enfin, Lapa était fort impatientée par son retard. Catherine écouta tout d’abord paisiblement ces violens reproches, puis elle dit : « Monna Madre, punissez-moi lorsque je ne vous obéis pas ainsi que je le devrais, mais je vous en prie, n’employez pas de telles paroles, et surtout ne souhaitez de mal à personne, car cela ne convient pas à votre dignité de mère et m’afflige le cœur. » À ce moment, Catherine, n’avait pas encore dix ans.

Quand, le soir venu, Giacomo remonta de la teinturerie, sa femme s’écria : « Ecoute donc ce que ta fille m’a dit aujourd’hui. »

Plus tard, la fille du teinturier de Fontebranda devait dire la vérité aux puissans de ce monde avec la même fermeté et la même douceur.


Catherine avait maintenant douze ans. Il ne lui était plus permis de s’aventurer seule dans les rues, et sa famille songeait à lui trouver un époux. Deux de ses sœurs étaient déjà mariées, car, en somme, les femmes sont destinées au mariage.

Monna Lapa se mit donc à parer sa fille et lui ordonna de se laver un peu plus souvent, de coiffer joliment ses cheveux, et de chercher à plaire aux hommes. Mais Catherine ne voulait pas entendre parler d’eux ; jamais elle ne se mettait à la fenêtre ou sur le seuil de la porte ainsi que les autres