Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent pour de longues années sous leurs drapeaux les soldats aventuriers, résidus des diverses croisades qui, de 1101 à 1240, ramenèrent en Orient de nouveaux guerriers d’Occident[1]. C’est le second élément, étrangement cosmopolite. A cet élément ils en ajoutèrent un autre encore : les troupes indigènes. C’est une nécessité qui s’impose à quiconque colonise et les princes de Syrie vite assimilés, nous le verrons, aux mœurs du pays conquis, ne s’arrêtent pas longtemps aux préjugés de race : ils organisent un corps indigène, les Turcopoles, qui, ancêtres lointains de nos braves tirailleurs musulmans, font apparaître pour la première fois le turban dans les rangs d’une armée franque.

Enfin, le quatrième élément de cette armée composite et non le moins singulier est fourni par les Ordres militaires. Ces ordres sont trop connus pour que je m’arrête à en faire ici l’étude. On sait que, dès les premiers mois, une association de chevaliers chrétiens se fonde qui, primitivement, se voue à l’hospitalisation des pèlerins : c’est l’Ordre de l’hôpital Saint-Jean qui, bientôt, ne se contente plus de soigner les malades, mais fournit aux pèlerins forte escorte et peu à peu devient ainsi ordre militaire. Ces Hospitaliers constituent un petit corps de chevaliers constamment sous les armes, voués par le serment à la défense de la Terre Sainte, enrichis par les dons les plus généreux, forts d’une discipline que ne connaissent point les armées d’alors, maîtres de nombreux châteaux forts qu’ils savent garnir, puisque celui de Markab, bâti par eux en 1186, est occupé par une garnison de 1 000 hommes. Aussi puissant est bientôt l’Ordre qui, installé primitivement dans le palais bâti sur l’emplacement de l’ancien Temple, en a pris le nom : cet Ordre du Temple fondé en 1123, comme celui de Saint-Jean de l’Hôpital, par des chevaliers français, arrive vite à une force et à une richesse qui, un instant, dépassent celles des Hospitaliers. Grand maître de l’Hôpital et grand maître du Temple sont, dès le milieu du XIIe siècle, des puissances redoutables, car seuls ils ont absolument en main escadrons et bataillons qu’une règle, empruntée aux ordres religieux, asservit à une discipline sévère et qu’un recrutement extrêmement rigoureux peuple de rudes soldats. Il en sera de même des Chevaliers teutoniques,

  1. En 1147, 1172, 1179, 1191, 1197, 1217, 1239, 1240.