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l’Hôpital allaient prendre les boutures d’où naîtraient, plantés par eux, les vignobles, bientôt célèbres, de Chypre. Les arbres à fruits se cultivaient partout ainsi que les mûriers, tandis que canne à sucre et coton sollicitaient le planteur. Oranges, figues, amandes, sucre, vin, huile, aboutissaient aussi aux quais où, d’autre part, débarquaient les céréales et les fers d’Occident.

Autant que l’agriculture, l’industrie syrienne alimentait les comptoirs : tissus de soie de Tripoli, Antioche et Tarse, brocarts d’Antioche, verreries de Tyr, lampes, coupes, bassins, bouteilles de verre travaillées, poteries émaillées de Tyr encore, Jaffa, Beyrouth, — car c’est au XIIIe siècle que la céramique syrienne atteint son apogée, — vases de métal ciselé, armes à la mode de Damas, joyaux d’or et d’argent, chapes de tissu d’or ouvrées à Saint-Jean d’Acre, tapis dont la fabrication a été importée de Perse, étaient autant de produits dont la renommée, après cinquante ans du règne des Francs, s’était répandue en Occident, tandis que les Juifs voyaient, plus que devant, prospérer leurs ateliers de teinture de Latakyé, Tripoli, Sagette, Hébron et Jérusalem, que Tyr raffinait le sucre, Antioche, Tortose et Acre le savon, que la bière dénommée cervoise se brassait à Jérusalem et que, de Galilée, sortaient ces nattes de Samarie fabriquées avec le saman du Jourdain. Les salines de la Mer-Morte et du littoral étaient en pleine exploitation et les sires de Baruth tiraient de l’or de l’industrie du fer.

À cette industrie, le régime franc appliquait les règles alors en honneur en Occident et qui faisaient des produits ouvrés marchandises solides et loyales. C’est ainsi, pour ne citer qu’un trait, que les Assises obligeaient les fabricans de cendes, taffetas de Tyr en renom, à présenter les pièces en blanc au boullage (timbrage) avant que de les teindre, pour que fût prévenue toute supercherie, et que de pareilles règles s’étendaient aux autres ateliers, — y compris les métiers de moires et camelots de Tripoli où, au XIIIe siècle, Burchardt en comptait 4 000.

De tout cela les Italiens et quelques Francs organisaient un gros trafic. Des marchés de l’intérieur (une grande foire annuelle avait lieu dans la plaine de Médan, une autre près d’Ibelin), les marchandises étaient acheminées vers ces fondes, sortes de bourses et de halles du commerce, — ces fondiks et ces estançons, bazars servant d’entrepôts, et enfin en grande partie vers les caravansérails (nous dirions les docks), des