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sans le Cygne. Il a été écrit « dans la Lande, » — c’est-à-dire sans doute aux environs d’Arcachon, — durant le mois de juin 1913 ; et vraiment, malgré le rythme et la couleur magnifiques de maintes de ses phrases, je n’ai pas l’idée qu’il ajoute rien à l’ancienne gloire de conteur de M. d’Annunzio. Mais l’histoire de cette « Léda » mortellement inquiète de l’absence de son « cygne » remplit à peine les 150 petites pages du premier volume, tandis que, tout au long de la Licenza qui la suit, et qui s’étend jusqu’au bout du tome troisième et dernier, l’auteur oublie complètement l’aventure, un peu trop « particulière, » qu’il nous a racontée pour ne plus nous entretenir que de sujets bien plus amples et plus proches de nous, — ainsi que cela seyait, d’ailleurs, dans une Licenza.

Car je dois au hasard merveilleux qui, jadis, m’a permis d’étudier de tout près, avec mon cher G. de Saint-Foix, chaque note de chacune des œuvres de la jeunesse de Mozart, je dois entre mille autres choses à cette inappréciable fortune de connaître à peu près exactement l’objet et les caractères propres du genre, infiniment « classique, » de la Licenza. A Salzbourg comme à Milan, — car on sait combien l’influence italienne régnait alors d’un pouvoir absolu dans toutes les cours d’Allemagne, — jamais le jeune Mozart ne remettait en musique une pastorale ou une cantate dont le poème avait déjà servi précédemment, et jamais non plus il ne préparait la « reprise » de l’une de ses partitions chantées d’auparavant, sans être tenu d’adjoindre aux airs, ensembles, ou chœurs de cette partition un grand air nouveau, composé sur des paroles dont on venait de le fournir tout exprès pour la circonstance, — des paroles où, cessant absolument de s’occuper de l’arrivée d’Ascagne à Albe ou des divers épisodes moraux du Songe de Scipion, poète et musicien ne songeaient plus qu’à complimenter le couple princier en l’honneur duquel avait été exécutée la pastorale, ou bien simplement à louer le fastueux prélat salzbourgeois qui avait commandé la « reprise » de la noble, grandiloquente, et somnifère cantate. En un mot, une sorte d’appendice improvisé, sans aucun rapport avec l’œuvre où il s’ajoute ; un appendice éminemment libre, comme déjà suffirait à l’indiquer son nom, et cependant ayant pour habitude constante, — sinon peut-être pour règle, — de se rattacher d’aussi près que possible à l’« actualité » du moment. Telle m’est toujours apparue la licenza chez Mozart et tout l’aimable groupe des compositeurs d’opéra italiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle ; et telle encore elle m’apparaît dans l’œuvre nouvelle, de M. d’Annunzio, avec