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sais pas en vérité de « phénomène » littéraire plus significatif que celui de l’enthousiasme unanime et prolongé du public italien à l’égard des poèmes d’opéras du « divin » Métastase. Par-dessous les chants modulés dont maintes générations de compositeurs se sont ingéniés à revêtir ces récitatifs et ces airs d’Artaserse et de la Clemenza di Tito, tout le monde s’accordait à proclamer que les vers de Métastase possédaient, par eux-mêmes, une richesse de musique pour le moins égale. Les plus subtils « connaisseurs » mettaient au niveau de Dante et de Pétrarque ce poète dont l’œuvre entière n’avait pas à leur offrir une idée personnelle, mais qui, toute sa vie, — sous l’effet d’une ambition infiniment caractéristique, — s’était diverti à rivaliser d’avance en harmonie et en chant avec les musiciens à l’usage desquels il créait ses « livrets. »

Et certes les Licenze devaient abonder dans la somptueuse édition des Œuvres Complètes de Métastase dont un exemplaire fut donné solennellement en hommage au petit Mozart, durant les premiers jours de février 1770, par le comte Firmian, gouverneur impérial de la Lombardie : mais je doute qu’une seule des pages du a divin abbé » méritât d’être comparée, pour la maîtrise et la diversité de ses « effets » musicaux, à ces intermèdes de la nouvelle Licenza de M. d’Annunzio où celui-ci prend pour thème, par exemple, une promenade sur les canaux et le long des quais de Venise qu’il a eu l’occasion de faire, l’été dernier, avec deux amis français. Ou bien encore, dans toute la première partie de l’étrange Appendice, ce sont des promenades à Chantilly, des visites à sa meute aimée de lévriers, qui forment ainsi, quasiment, le départ de vastes et mélodieuses improvisations « lyriques, » — entre lesquelles viennent élégamment s’encadrer d’autres morceaux d’une portée et d’un accent aussi différens que possible : des évocations de souvenirs personnels admirablement précis et concrets, à tel point qu’on aurait le droit d’en regarder l’ensemble comme une suite « autobiographique » d’« impressions de guerre » de l’auteur de l’Intrus et de la Fille de Jorio.


Ce sont d’abord, au début du second volume, de frémissantes images de l’espèce de réveil à la fois étonné, curieux, et confiant qu’a provoqué au cœur de chacun de nous l’annonce, infiniment soudaine et imprévue, d’une guerre. Puis M. d’Annunzio nous rappelle l’aspect de nos rues pendant les inoubliables semaines de la mise sur pied de ces troupes qui sont en train de nous défendre, en même temps, et de nous couvrir de gloire depuis trente mois. Mais tout