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M. Flood, que, le 2 mars, la Chambre adoptait à la quasi-unanimité, par 403 voix contre 13. Mais, le Président persistant à le considérer comme incomplet, il y avait lieu de lui faire substituer, par le Sénat, un bill qui conférerait à M. Wilson, outre le droit d’armer les navires marchands, celui d’employer « tous autres moyens » pour mettre les États Unis en état de neutralité armée en face de l’Allemagne, d’où, par abréviation, le titre : projet sur la neutralité armée. Étant données les dispositions du Sénat, il ne semblait pas qu’il dût y avoir de bien grandes difficultés. Les pacifistes les plus irréductibles paraissaient être résignés, sinon convertis; M. Bryan lui-même, venu à Washington pour se mettre à leur tête, en était reparti, persuadé qu’après la découverte des machinations allemandes au Mexique, il n’y avait plus rien à faire. Mais c’était compter sans les « flibustiers, » sans les faiseurs d’obstruction, qui pouvaient n’être et n’étaient en effet qu’une poignée, sans leur capitaine M. Stone, qui se trouvait être président de la Commission des affaires extérieures, et sans cette coïncidence qu’on était au 3 mars et que les pouvoirs du Congrès expiraient le 4, en même temps que finissait la première magistrature de M. Wilson. Toute la nuit du vendredi 2 mars au samedi 3, on discuta. Trois heures durant, M. Stone se promena dans l’hémicycle, gesticulant furieusement et proférant par intervalles des sons inarticulés. Le sénateur Lafollette et une dizaine d’autres firent comme lui, et firent tant que l’heure où expirait le mandat de la législature arriva avant que le vote eût pu être émis. Le bill sur la neutralité armée demeurait donc non en échec, mais en suspens. Pas en échec, puisque l’escrime parlementaire fournissait une riposte du tac au tac, et que 83 sénateurs contre 13 signaient un manifeste par lequel ils déclaraient approuver entièrement le bill, en regrettant d’avoir été mis dans l’impossibilité de l’adopter. Fort de cette adhésion explicite, fort avant tout de ses pouvoirs constitutionnels, qui sont parmi les plus étendus qui soient, en aucun pays et dans aucune forme de gouvernement, attribués à un chef d’État, sûr également d’être soutenu par la très grande majorité du peuple des États-Unis, M. Woodrow Wilson marqua d’abord l’intention d’agir par lui-même, en vertu de son droit propre, et en quelque sorte proprio motu. Mais c’est un homme d’études et un homme de loi, un juriste ; il lui naquit un scrupule. N’y a-t-il pas une loi de 1819, qui, tout en ne refusant pas au Président le droit d’armer les navires de commerce, en l’absence d’une autorisation directe du Congrès, excepte cependant le droit de s’en servir contre des Puissances « amies ? » Or, tant que les