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menacée par l’ensablement du port que de vastes travaux pourraient conjurer, redeviendrait, aux mains d’un maître habile et puissant, ce vaste emporium que les Romains avaient voulu, comme principal relais, sur la via Egnatia, entre Rome et Byzance, et plus vaste cent fois, et cent fois plus important que les Romains ne l’avaient pu imaginer. « Elle doit mourir, dit P. Risal, ou devenir une des métropoles du grand trafic mondial. » L’aurea mediocritas ne lui est pas permise.

Chaque peuple conquérant ou qui aspire à conquérir se croit capable d’assurer le développement de Salonique. Les Grecs affirment que le triomphe de l’hellénisme s’y est accompli. Les peuples voisins n’en sont pas persuadés, et l’Autriche, par-dessus la Serbie, ne cesse pas de considérer Salonique comme son principal, son éternel « but de guerre. »

Et peu importent, alors, les « fléaux » qui peuvent sévir localement ! Ni la malaria, ni le choléra, ni la peste, ni les incendies, ni les tremblemens de terre ne décourageront les amans intéressés de la cité macédonienne. Ce n’est pas un séjour enchanteur ; mais ce qu’on lui demande, ce n’est pas des « enchantemens. » L’étranger n’y viendra pas pour son plaisir. On ne va pas se divertir dans une banque, parmi des gens d’affaires et des négocians. Ici, la beauté, l’art, la grâce, la douceur de vivre sont choses secondaires. Le dieu de la cité, c’est l’argent.

Pourtant, le voyageur qui ne s’inquiète pas de trafiquer ! peut découvrir à Salonique une espèce de charme, et des magnificences naturelles propres à réjouir un peintre.


Si l’on remonte la rue Venizelos, entre les cafés et les magasins à la mode, on arrive au bazar couvert qui est presque entièrement israélite et dont les boutiques ferment le samedi. Ici encore, l’abominable camelote surabonde. Les premiers arrivans du corps expéditionnaire ont eu peut-être la chance de trouver des tapis anciens, des armes, des cuivres ciselés, de lourds bijoux cloutés de grenats et de turquoises, des ceintures d’argent massif, et ces toiles crémeuses, d’un grain aussi beau que le crépon, brodées de rouge, de bleu et de noir, qui habillent les femmes macédoniennes. Après sept mois d’occupation, dans une ville où les Anglais paient n’importe quel prix