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grêle tuent souvent les passans dans les rues… Épidémies, incendies, tremblemens de terre mettent en fuite les Saloniciens, qui, pour sauver leurs biens ou pour échapper à la mort, vont camper sous des tentes, hors ville, ou se réfugient dans les villages des environs… La peste d’abord, et, à partir de 1832, le choléra sont venus, tous les quarts de siècle, endeuiller Salonique… Elle se trouve sur la route des grands courans qui vont de l’Asie à l’Europe ; c’est ce qui lui vaut le triste privilège d’être hantée par les grandes épidémies asiatiques, qui viennent semer l’épouvante dans toutes les contrées méditerranéennes… Les incendies ont souvent détruit la plus grande partie de la cité et fait des centaines de victimes… Des secousses sismiques, dues pour la plupart aux effondremens qui ébranlent la masse du Rhodope, se renouvellent d’âge en âge et inspirent aux habitans un sentiment horrible d’insécurité et d’effroi. »

Il faut avouer qu’une telle lecture doit glacer l’enthousiasme du voyageur le plus optimiste et le jeter dans les plus étranges perplexités. Puisque la métropole macédonienne est le réceptacle de tous les fléaux, le but de séculaires invasions, le théâtre de révolutions sanglantes, pourquoi est-elle la « ville convoitée » entre toutes les villes de l’Orient, et comment existe-t-il encore des gens qui s’y établissent, en dépit des grandes catastrophes et des « menues calamités ? »

Pour comprendre l’importance de Salonique, l’attrait qu’elle exerce depuis vingt-cinq siècles et les espoirs immenses qui peuvent naître de sa possession, il suffit de regarder une carte. La géographie donne la loi essentielle des événemens que l’histoire a enregistrés. Les grandes routes de l’Europe centrale vers l’Orient passent par la vallée du Vardar, et comme l’a fort bien dit P. Risal dans son remarquable ouvrage, « Salonique est le seuil d’un monde. » Les Bulgares ont rêvé de joindre le Danube au golfe Thermaïque par la ligne ferrée Sofia-Kustendil, à travers des contrées prodigieusement fécondes que leurs paysans, tenaces et durs, sauraient exploiter. Les Serbes préféreraient ce débouché sur la mer au port de Durazzo. La récente domination hellénique n’a pas découragé les ambitions autrichiennes, qui s’associent aux ambitions allemandes pour créer une voie de communication directe entre la mer du Nord et l’Archipel. Salonique, aujourd’hui coupée de son hinterland,