Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/539

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là un capital, qui peut influer sur le taux des salaires ? Un travailleur honnête, zélé, instruit, habile, n’a-t-il pas, en cette honnêteté, ce zèle, cette instruction, cette habileté, un capital accumulé, susceptible de donner ouverture à une rémunération personnelle ? Capital qui réside en l’homme lui-même, qui est au bout des doigts du travailleur, dans sa tête et même dans son cœur, que nul n’égale en fécondité… La moralité et l’instruction étant des capitaux, ces capitaux doivent avoir leur » action sur les salaires. Ce n’est donc pas seulement par l’abstinence et la continence que les populations ouvrières peuvent s’élever, c’est encore par le développement volontaire de leurs facultés morales et intellectuelles. L’instruction et la moralité, c’est-à-dire l’intelligence et la volonté, sont deux puissans leviers, qui peuvent porter les classes ouvrières à un degré plus haut d’aisance ! Que l’instruction se généralise, que les bonnes mœurs se répandent, la production gagnera en quantité, en qualité, et les salaires s’élèveront. »

Déjà, on le voit, le style est formé, le langage est précis et persuasif, les pensées surtout revêtent une étonnante orthodoxie économique, pour un si jeune âge ! On reconnaît notre confrère futur. « Pour nous, conclut-il, nous ne voyons de salut, suivant le cours naturel des choses, que dans le développement de l’aisance, de la moralité et de l’instruction, trois progrès dépendant heureusement les uns des autres. »

En 1870, coup sur coup, quatre nouveaux prix de l’Académie dont il sera membre dans peu d’années, lui sont décernés, prix annoncés dès 1866 et 1867.

C’est d’abord le prix du Budget, le 30 juillet 1870, avec le sujet suivant : « De l’instruction et du salaire des femmes employées dans les travaux d’industrie. » Le rapport de Louis Reybaud, auquel sa compétence en cette matière attribue une saveur particulière, ne ménage pas les éloges au mémoire n° 2. Il semble même deviner l’avenir d’un tel concurrent lorsqu’il dit : « L’auteur, dans ses considérations générales, fait preuve d’une science et d’une justesse de vues dignes des plus grands éloges. Les mêmes qualités se retrouvent dans les détails qu’il donne sur les salaires des femmes, et il n’est pas moins bien inspiré quand il parle de l’instruction des femmes… Les derniers chapitres couronnent dignement cette suite de recherches… Avec la même maturité d’esprit, le même ton d’autorité et la