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frappans de vérité. Jamais Paul ne s’écarta de la ligne droite.

Ainsi, tandis que son frère Anatole inaugurait ses premiers pas dans le monde en composant, et même en publiant, des vers et un roman, Paul ne cédait pas un seul instant à ce qu’on nomme les péchés littéraires de jeunesse, que les plus sages commettent. Avec une rare intuition de son avenir, il aborda d’emblée l’économie politique, pour ne plus la quitter.

Son premier travail, dès sa vingt-et-unième année, parait être celui qu’il présenta à l’Académie des Sciences morales et politiques pour le prix Bordin, portant le titre : De [influence exercée sur le taux des salaires par l’état moral et intellectuel des populations ouvrières. L’annonce du sujet remontait au mois d’août 1864. Si donc il se mit tout de suite à l’œuvre, il aurait débuté dans la littérature économique dès 1864, ou tout au plus dès 1865, à moins qu’il n’ait écrit auparavant quelque article de journal ou de revue que nous ne connaissons pas.

Le rapporteur du prix Bordin, Hippolyte Passy, n’hésita pas à distinguer d’emblée son manuscrit parmi ceux de ses concurrens. Sans doute, il formula d’abord quelques critiques, assez vraisemblables d’ailleurs, au sujet des répétitions dépassant les limites dans lesquelles l’auteur aurait dû strictement renfermer ses investigations. En effet, Paul Leroy-Beaulieu a toujours aimé à répéter ses idées, en les présentant sous des aspects multiples, afin de les rendre plus claires et plus convaincantes. Ce n’était, d’ailleurs, de la part du rapporteur, qu’un conseil et non un reproche, compensé par de très vifs éloges : « Travail étendu et fort considérable, contenant nombre d’observations justes et de vérités bien développées… Aucune des questions relatives à l’instruction primaire, à l’enseignement, professionnel, aux grèves, aux lois économiques, à l’accroissement de la population, dans leur influence sur le taux du salaire, n’a été omise par l’auteur… Mérite réel…, talent remarquable…, amour sincère de la vérité…, toutes ces qualités assignent, sans conteste, le premier rang au mémoire n° 3. » Ledit mémoire n° 3, orné d’une épigraphe tirée des Proverbes de Salomon, renfermait dans son enveloppe le nom de Paul Leroy-Beaulieu, avocat à Paris. Exerça-t-il jamais les fonctions d’avocat à Paris ? Notre débutant n’en possédait pas moins déjà une maîtrise, dont la citation suivante donne une idée : « La morale, écrit-il, et l’instruction des ouvriers, n’est-ce pas