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qui ne se peuvent fabriquer on série, pour celles, m un mot, où le talent individuel de l’artisan garde un rôle primordial. Tel est, par exemple, le cas des grosses pièces optiques employées en astronomie.

Les puissantes lunettes pour leurs objectifs, les grands télescopes pour leurs miroirs paraboliques exigent des pièces de verre de grandes dimensions qu’on ne peut obtenir exemples de défauts que grâce à des précautions et des tours de main délicats. Dans ce domaine et jusqu’à ces dernières années, la France est restée maîtresse ; ce sont nos grandes industries verrières (Saint-Gobain, Para-Mantois, etc.), qui ont fourni les verres des plus puissans instrumens astronomiques du monde entier. Les Américains eux-mêmes pour le verre du télescope de 2m, 50 de diamètre, qu’ils destinent à leur magnifique observatoire solaire de Mount-Wilson, ont eu recours à nous.

Ces résultats, dont nous pouvons être fiers, ne sont pas dus seulement à l’habileté de nos industriels dans l’art de fabriquer des pièces maîtresses, elle est due surtout au travail ultérieur de ces pièces et exige une habileté manuelle où nos artistes excellent… Qu’on me pardonne d’employer ce mot d’artiste pour désigner les maîtres artisans du verre ; mais les rois de la peinture ou de la déclamation ne se pourraient formaliser sans mauvaise grâce d’une telle compagnie.

Lorsqu’il s’agit de tailler par exemple un petit objectif photographique de dimension courante, le morceau de verre employé peut toujours être considéré comme à peu près homogène et partant la taille de ses surfaces courbes peut être réalisée mécaniquement et en série. Aussi les Allemands y excellent. Au contraire, dans une grosse masse de verre destinée à une lunette astronomique et qui a quelquefois un mètre et plus de diamètre, l’homogénéité ne peut plus être considérée comme réalisée ; tous les points de la masse n’ont ni exactement la même densité, ni exactement la même composition, ni le même degré de trempe par suite de la difficulté de brasser, de recuire, et surtout de refroidir uniformément de gros blocs de verre.

Si donc on taillait mécaniquement les surfaces sphériques de ces blocs hétérogènes, la réfraction inégale des rayons lumineux dans ses diverses parties produirait de mauvaises images. Pour compenser cette hétérogénéité il faut déformer systématiquement et de place en place les surfaces régulières et sphériques, de façon à les diminuer aux endroits où le verre est trop dense. Ce procédé de retouches locales imaginé par notre Foucault ne peut être réalisé qu’à la main, et il exige une grande délicatesse, un grand doigté. Dans ce domaine