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refuse à admettre toute nouvelle qui arrive du dehors et qui contrarie sa folie.

Après deux mois de voyage depuis l’Angleterre, Buonavita arrive le 10 juillet à Rome. Il est porteur d’une lettre de Montholon pour la princesse Pauline datée du jour même de son départ de Sainte-Hélène, le 27 mars. Montholon ne laisse aucun espoir. « Plusieurs rechutes se sont succédé, dit-il, depuis le milieu de l’année dernière et chaque jour son dépérissement a été sensible. Sa faiblesse est extrême : il a peine à soutenir la fatigue d’une promenade d’une demi-heure au pas, en calèche et ne peut marcher, même dans ses appartenions, sans être soutenu. A la maladie de foie se joint une autre maladie endémique dans cette île. les intestins sont gravement attaqués., Aucune fonction digestive ne s’opère plus et l’estomac rejette tout ce qu’il reçoit. Depuis longtemps, l’Empereur ne peut plus manger ni viande, ni pain, ni légume, il ne se soutient plus qu’avec des consommés ou des gelées. »

Forte de cette lettre, la première venant de Sainte-Hélène qu’il lui ait été permis de lire depuis deux ans, Pauline se résout à attaquer. « On voulait me cacher l’arrivée de l’abbé Buonavita, écrit-elle le même jour à Planat. Il était dans la chambre de maman quand je suis allée pour prendre congé, car je partais pour Frascati, mais on me refusa sa porte. Heureusement, j’ai appris par le portier que l’abbé était là. Je suis montée. Maman ne me disait rien. J’ai donc été obligée de lui dire que je le savais et que je voulais voir l’abbé et savoir des nouvelles de l’Empereur. Elle me dit que l’on attendait le cardinal et que l’Empereur était furieux contre moi pour avoir reçu des Anglais. Je n’ai connu le marquis d’Anglesea que chez Madame. Sa femme, qui est charmante, me donna des preuves d’amitié. C’est un homme de cinquante-cinq ans, laid, mais aimant l’Empereur et sa famille. Mon oncle ne quittait pas la duchesse (car il est duc d’Hamilton depuis la mort de son père).

« Maman et mon oncle ne croient pas tout à fait que l’abbé Buonavita ait laissé l’Empereur à Sainte-Hélène, car ils me disaient : « Je n’en crois rien. L’Empereur n’est plus là, je le sais. » Enfin mes peines sont affreuses.

« Je me suis jetée aux pieds de maman, je lui ai expliqué toute cette intrigue et je l’ai suppliée, au nom de l’honneur, de renvoyer cette femme et ce prêtre ; mais elle s’est emportée