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et que son auteur est mort. Mais, outre qu’il est puissamment inspiré, il s’applique mieux au présent et même à l’avenir qu’aucun autre. Ecoutons religieusement cet hymne prophétique.


LES TOMBEAUX GLORIEUX DES AÏEUX
Poème de Jovan Jovanovitch[1].

Celui qui désirera se retourner
Et regarder d’un regard perçant
Ces tombeaux glorieux
Chemins de l’histoire,
Celui-là pourra entendre
Comment, de siècle en siècle,
Le grand-père a crié au petit-fils,
Le père au fils, et le soldat au soldat :
« De là où j’ai dû m’arrêter, tu partiras,
Ce qui me fut impossible, tu le pourras.
Où je n’ai pas su parvenir, tu parviendras.
Ce que j’ai commencé, tu le termineras.
Et nos dettes, tu les acquitteras. »

Ce sont des voix et des paroles
Qui sont la parure du passé
Et qui sortent de ces tombeaux glorieux.
Elles rattachent par leur tonnerre
Et par une puissance céleste
Les siècles aux siècles
Et les hommes aux hommes.
De chaque tombeau glorieux
Comme de chaque étoile du ciel
L’histoire raconte ce qui suit :
— Voilà donc une génération,
Une génération jeune et ardente,
Bourgeons nouveaux de l’arbre antique,
Fleurs nouvelles sur les tiges anciennes,
Cœurs juvéniles et âmes blanches,

  1. Cette belle traduction, qui suit autant que possible le rythme de l’original, est de M. Milenko Vesnitch, ministre de Serbie à Paris. Elle a paru d’abord dans le journal Excelsior et a été reproduite dans le recueil de M. Léo d’Orfer. — Jovan Jovanov²tch, que M. Vesnitch a connu personnellement, est né en 1832 et mort en 1904. Il vivait dans le Banat de Hongrie, à Novisad, qui fut un peu l’Athènes serbe au XIXe siècle.