discutât une question tranchée par le pouvoir impérial. Le Saint-Synode ne s’inclina pas. Varnava avait commis une infraction grave contre la discipline ecclésiastique. Le Saint-Synode décida de retirer à Varnava son siège épiscopal et lui ordonna de se retirer dans un monastère. Cette fois, ce fut au tour de Nicolas II, irrité de l’opposition du Saint-Synode, de refuser sa ratification et de couvrir Varnava en termes catégoriques et qui n’admettaient pas de réplique. Alors, les prélats qui avaient siégé au Saint-Synode adressèrent au Tsar une lettre collective où ils déclaraient renoncer à leurs charges. Une forte pression du pouvoir et la crainte du scandale parvinrent à arrêter cette insurrection d’évêques. Mais Raspoutine triomphait. Bientôt le métropolite de Pétrograd, Vladimir, était envoyé à Kief en disgrâce. Le procureur du Saint-Synode, M. Samarine, un des représentai les plus populaires de la noblesse provinciale de Russie, devait donner sa démission…
Ces incidens avaient laissé dans l’Eglise et dans les milieux les plus conservateurs de Russie bien des amertumes. Dans la société de Moscou, où l’affront fait à M. Samarine avait été profondément ressenti, des silences plus éloquens que des plaintes en disaient long sur l’état des esprits. L’Empereur, en somme, avait scié lui-même un des étais de son trône. C’est à la suite de l’affaire Varnava que s’est développé le mouvement favorable au rétablissement du patriarcat, jadis supprimé par Pierre le Grand pour faire du Tsar le chef de l’Eglise russe. Et dans les protestations contre les « influences occultes, » le clergé n’est pas resté en arrière des autres groupes de la nation. Voici, à titre d’exemple, la plainte qu’un prêtre-député, le Père Nemertzalof, exhalait, au mois de décembre 1916, à la tribune de la Douma :
L’instant est venu de proclamer que l’âme de l’État, la sainte Eglise orthodoxe, se trouve à son tour en danger et qu’il nous est impossible, à nous, croyans dévoués corps et âme à la sainte Église, de garder plus longtemps le silence. Notre devoir est de crier bien haut, si haut que toute la Russie orthodoxe puisse nous entendre, que l’Eglise orthodoxe est en danger. Mes frères, levez-vous et défendez-la !… L’Église tout entière est menacée, et elle n’est pas menacée par le bas. C’est par le haut qu’on l’attaque. Oui, je ne sais quelle main boueuse s’avance vers l’Église pour saisir les rênes de ses destinées. La simonie, la protection, l’oppression, les pots-de-vin, les recommandations et les intrigues dans le domaine de la foi !… Les paroles