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signée du socialiste hollandais Troelstra, ou ne doit-on y voir qu’une rencontre fortuite, un pur hasard ? Toujours est-il qu’au bout de deux ou trois semaines, nous retrouvons ensemble à Stockholm M. Troelstra et M. Huysmans, fort occupé à fournir sur son aventure des explications qui ne sont pas très claires, au moins pour nous.

Mais enfin, par l’un ou par l’autre, la convocation avait été lancée. Le parti socialiste, le nôtre, S. F. I. O, — Section française de l’Internationale ouvrière, — en sa grande majorité, la reçut plus que froidement, il la traita avec dédain. Qu’est-ce que Troelstra venait faire là-dedans, et que lui voulait cet intrus ? Et puis, se rendre à Stockholm, pourquoi ? Pour y rencontrer Scheidemann et ses camarades du Schloss et de la Wilhelmstrasse ? Tant que la social-démocratie allemande n’aurait pas fait les gestes nécessaires ; le socialisme français n’aurait rien ni à lui dire, ni à entendre d’elle. Donc il ne répondrait que par un refus, qu’il n’envelopperait pas de prétextes et n’adoucirait pas d’excuses. Cependant la minorité travaillait, et peu à peu gagnait des voix. Elle en gagnait assez, dans la Fédération de la Seine, — organisation départementale, — pour y devenir majorité et se faire, par suite, attribuer la majorité des mandats au prochain Conseil national, sorte de Convention de tout le socialisme français. Néanmoins l’ancienne majorité, alors, ne désespérait point, ne songeait pas à se rendre, se montrait résolue à lutter.

On apercevait bien l’amorce d’une transaction : dans le cas où la majorité déciderait d’aller à Stockholm, il serait entendu que ce serait pour éclairer le socialisme international, qui peut-être n’en était pas instruit suffisamment, sur les causes et les culpabilités de la guerre, et mettre devant lui en accusation l’Empire allemand et le socialisme allemand, hautement déchirés complices dans le crime et solidaires dans le châtiment. Telles étaient, au matin du dimanche de la Pentecôte où tous ces bons apôtres se réunirent dans leur cénacle, les positions et les dispositions. La majorité d’hier voulait voir surtout une chose : si, après avoir résisté, elle acceptait de faire le voyage, ce serait dans un dessein en quelque manière, et à sa manière, patriotique : afin de confondre le socialisme allemand, et de le faire condamner par le socialisme universel. La minorité d’hier, déjà triomphante, ne voyait qu’une chose dans le fait qu’on allait à Stockholm, c’est qu’on y allait. Par delà se tenaient, dans leur île qui n’était ni escarpée ni sans bords, et où une société de jour en jour plus mêlée débarquait, avec les « zimmerwaldiens, » MM. Bourderon et Merrheim, les trois « kienthahens, » les trois mousquetaires