braillé. » Mais lui, Banville ? Ce ne sont pourtant pas ses Cariatides, qu’il offrait au peuple, ni ses Améthystes, ni ses Occidentales, je suppose, ni ses Princesses ! Un jour, sur le tard de son existence, il songe aux subtiles délicatesses de notre poétique, à ses fines difficultés, sur lesquelles il a lui-même renchéri : et il se demande si. les poèmes de nos savans artistes ne sont pas à tout jamais « lettre close » pour le peuple. Et, un autre jour, il écrit — c’est à propos de Mlle Croizette ; mais ne serait-ce également juste à propos de l’art en général et de tous les arts ? — « l’ingénuité est ce qu’il y a de plus long à apprendre… » Ce jour-là, ne songe-t-il pas qu’entre la multitude et les artistes la sincère amitié n’est pas commode ? Il a donné à son plus beau livre ce douloureux nom, Les Exilés. Parmi les exilés dont il plaint la solitude, il a rangé « les passans épris du Beau, » et qui parfois, « rencontrent leurs frères si rares, comme eux exilés, échangent avec eux un signe de main et un triste sourire… »
Est-ce la conclusion, la seule et inévitable ? Peut-être. Et peut-être
aussi ne vaut-elle que pour la littérature et la poésie romantiques ?
Et fallait-il épiloguer ainsi sur les bourgeois et le peuple ? Et tous les
torts sont-ils du côté des bourgeois et du peuple ? Ne voulons-nous
admettre nullement les torts de la poésie, de la littérature et des
arts ?… Et, ces mots, les bourgeois et le peuple, n’essayera-t-on de
les remplacer par un autre et qui serait, peut-être, la nation ?… La
nation qui a souffert, agi et péniblement triomphé tout entière,
peuple, bourgeois, poètes et les artistes, n’aura-t-elle prochainement
une âme réunie, une âme toute consacrée au même souvenir, à la
même pensée ? Je n’en sais rien. Nos lendemains sont douteux autant
que nos devoirs sont clairs. Si la Beauté est reléguée loin de la multitude
et loin de la nouvelle activité, puisse-t-elle avoir en tout cas ses
Banville, qui maintiennent son culte fidèle et qui la préservent d’être
avilie !