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ministre des Finances de boucler son emprunt… Même antagonisme dans la presse : la Reitch, l’Idinstvo, du socialiste patriote Plekhanoff, la Volonté du peuple, qui est pourtant une feuille socialiste révolutionnaire, soutiennent ardemment la thèse de l’offensive, combattue par la Pravda de Lénine, le Dielo-Naroda de Tchernoff, la Vie nouvelle de Gork !…

Crise économique, crise financière, crise du ravitaillement : toute la lyre !… Mais le pis sera la crise du front. Si elle n’est pas conjurée, si l’armée est incapable de comprendre les problèmes de la guerre et la situation de l’Europe, la Russie aura à redouter plus qu’une défaite : une catastrophe nationale comme l’histoire du monde n’en a jamais enregistré !


LA RÉPUBLIQUE DE CRONSTADT[1]

18/31 mai. — Les journaux de ce matin nous apportent une effarante nouvelle : par 210 voix contre 40, le Conseil des délégués ouvriers et soldats de Cronstadt a résolu de prendre en mains la direction des affaires de la ville et de la forteresse. Il a renvoyé les représentans du gouvernement et déclaré que, pour les relations avec le reste de la Russie, c’est désormais à lui seul qu’il convient de s’adresser !… Il ne reconnaît plus le gouvernement provisoire et traitera sans intermédiaire avec le Conseil des ouvriers et soldats de Pétrograd. La république est proclamée !

Cronstadt indépendante ! Cronstadt en république ! Cronstadt, la forteresse par excellence de la Baltique, la clé de Pétrograd et de la Russie, libre de disposer d’elle-même, fût-ce contre les intérêts de l’Etat !… Se peut-il qu’il se soit trouvé des hommes assez fous, des patriotes assez peu dignes de ce nom pour décréter une aussi inconcevable mesure ?

Cette nouvelle a causé une sorte de panique dans Pétrograd. On s’aborde : « Où allons-nous ? — C’est le commencement de la fin ! — Le gouvernement provisoire tolérera-t-il une pareille atteinte à son autorité ? — Il faut bloquer la forteresse, la sommer de se rendre et, si elle résiste, la réduire par la famine… »

Comme pour augmenter à dessein le désarroi des esprits,

  1. Ce chapitre a eu tout particulièrement à souffrir des échoppages de la Censure.