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Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/153

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VII

Je voudrais pouvoir citer et analyser encore quelques-uns des Nô à la représentation desquels j’ai assisté : Hanagatami, dans lequel apparaît une jeune fille que jadis l’Empereur a connue, et qui, une fois encore, veut danser devant lui ; Ashikari, dans lequel une dame de la Cour cherche et retrouve son mari, dont elle avait dû se séparer à cause de leur pauvreté, et qui est, dans l’intervalle, devenu vendeur de bois de bambou ; Aridôâshi le poète qui passe sans s’arrêter devant un temple, et qui se rachète en récitant au dieu une de ses poésies, — et surtout ces trois chefs-d’œuvre : Mii-dera, consacré à une légende du temple de ce nom, sur le lac Biwa ; Hagoromo (la Robe de plumes)[1], cette légende du pêcheur du golfe de Suruga et de la Fée qui, prise dans ses filets, ne recouvre sa liberté qu’en dansant pour lui une de ses plus belles danses ; Matsukaze, enfin, Le Veut à travers les pins, le plus délicieux des Nô d’automne, où s’évoquent, dans un admirable rêve de poésie, de chant et de danse, les ombres de deux jeunes filles, deux sœurs, qui ont été aimées du même homme, et toutes deux l’ont aimé.

Nô d’automne, ai-je écrit : un assez grand nombre de Nô, en effet, doivent être joués dans la saison même pour laquelle ils ont été composés et à laquelle correspond, soit la nature du sujet, soit la date de l’événement qu’il s’agit de célébrer, soit même la nuance des sentimens dont ils sont l’expression. Le Nô, qui est pour les Japonais le plus souvent une évocation, une suggestion, une sorte d’élévation et de « mystère, » admet ainsi la collaboration, non seulement des croyances, des traditions et des légendes, mais de la nature elle-même, des souffles du vent, des jeux de la lumière et de l’ombre, des parfums et des sons. Les Nô du printemps sont comme illuminés de l’éclat et de la jeune ardeur des cerisiers. Les Nô de l’automne ont la grâce mélancolique des feuilles qui rougissent et tombent, de la brise qui souffle à travers les pins.

  1. Ce Nô a été merveilleusement traduit en vers anglais par M. Itasil Hall Chamberlain, ancien professeur à l’Université impériale de Tokyo, et auteur des Things japanese (Choses japonaises), un des meilleurs livres qui aient été écrits sur le Japon.