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Le personnel est, ce matin, au grand complet : mesdemoiselles Charpentier et Schmidt habiteront aussi les caves. Désormais, ma classe est tour à tour cuisine, salle a manger, chambre à coucher… Le soir on dresse, près du mien, deux lits pour mes jeunes collaboratrices.

10. — Nous recevons, par l’intermédiaire d’un brave territorial breton, un colis de chocolat des écoliers de Fouësnant. L’envoi est accompagné d’une fort gentille lettre. — Distribution aux enfans qui sont très touchés ; l’un d’eux se charge de répondre aux petits camarades bretons…

Le 16 mars, un cas de méningite cérébro-spinale s’étant déclaré dans le cellier des réfugiés, je ferme l’école ; le 18, tous les réfugiés étaient évacués.


A L’ECOLE DUBAIL

L’Ecole « Dubail » ne fut pas moins éprouvée. Non seulement plus de 100 obus sont, jusqu’ici, tombés dans son voisinage immédiat, mais trois l’ont fortement atteinte, sans cependant qu’on ait eu à déplorer aucun accident mortel. — Le premier, un 210 la frappa, le 6 mars 1915, un samedi, à huit heures cinquante-cinq du matin, alors que les enfans et leurs maîtres étaient réunis dans le cellier supérieur, prêts à descendre en classe. — Voici en quels termes le directeur de l’école, M. Brodier, rend compte, dans son « journal, » de cet événement : « Une détonation formidable retentit, une secousse violente ébranla tout le bâtiment et une fumée noire, épaisse, mêlée de poussière blanche, se répandit dans le cellier : un 210 venait de tomber sur le toit à 20 mètres de nous et, perçant deux plates-formes, avait projeté des balles et des éclats jusque près des enfans. Cris affolés des plus grands et de leurs parents qui, pour partir, attendaient la fin de la rafale ; pleurs et sanglots des petits. Les maîtresses me regardent, effrayées mais calmes cependant. Très impressionné moi-même, mais me raidissant, j’affirme : « C’est tout : il n’y en a jamais deux de suite au même endroit. N’ayez plus peur, mes enfans. Que tout le monde descende dans la cave, les petits d’abord. Nous avons le temps. » Et Mme Camus part avec les plus jeunes, aidée de la femme de charge, Mme Boudinot, et de mamans portant les tout petits. Mmes Jonet et Mauroy suivent aussitôt ; je ferme la marche