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que les deux pays sont à peu près sur le même méridien et que, pour aller de l’un à l’autre, on va du Nord au Sud et du Sud au Nord, au lieu d’aller de l’Est à l’Ouest ou de l’Ouest à l’Est. Comme le disait encore M. Cambon, la nature travaille en quelque sorte automatiquement à favoriser nos échanges et, pourtant, nous constatons que, tant au point de vue des voyageurs qu’au point de vue des marchandises, les échanges sont loin d’avoir l’importance qu’ils devraient avoir entre deux pays si riches, si intelligens et, si j’osais me servir de cette expression, si complémentaires.

Dans les rapports de l’Angleterre avec le Continent, on peut dire que le rôle du tunnel s’élargira encore. Là, en vérité, les résultats à attendre sont à perte de vue. Il appartient à nos chers Alliés et à eux seuls de se prononcer sur l’utilité d’être rattachés par une communication directe au Continent. Ils nous pardonneront cependant de penser que le chemin de fer sous la Manche, si désirable pour la France, sera encore infiniment plus profitable au Royaume-Uni.

Il est d’ailleurs probable que le tunnel fera insensiblement du marché britannique le pivot de l’activité commerciale de l’Europe et probablement du monde. Vers l’Ouest, la Grande-Bretagne sera comme la sentinelle avancée du vieux continent vers le nouveau monde pour tous les échanges avec lui. Vers l’Est, elle sera le pôle d’attraction de toute l’activité commerciale de l’Europe et de l’Orient et, comme on l’a déjà signalé, il est fort probable que, d’ici peut-être une quinzaine d’années, lorsque nos départemens dévastés auront pu renaître de leurs cendres, elle formera avec eux et la Belgique restaurée la région où se fixera l’activité industrielle de l’Europe.

On sait avec quel soin jaloux, au cours de ces vingt dernières années, les puissances de l’Europe centrale se sont emparées du contrôle de toutes les grandes communications transcontinentales, « fidèles au rôle historique auquel les Hohenzollern ont dû leur nom et les anciennes villes libres leur fortune[1]. » Elles se sont interposées en quelque sorte « en manière de tampon et d’épongé » entre l’Orient et l’Occident, absorbant et exploitant à leur profit les ressources de la Russie et s’apprêtant, par le Hambourg-Bagdad et tout un

  1. M. Paul Claudel, attaché commercial de France à Rome.