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c’est qu’il y trouve, plus développé qu’ailleurs, un état d’esprit plus humain que national, latent dans toute l’Europe. Mais cet état d’esprit, en réalité, n’existe que dans l’un des deux camps. Toute la psychologie de cette guerre, de ses causes, de ses moyens, des fins qu’on y poursuit, toutes ces observations et ces analyses, telles même que les a présentées M. Wells, témoignent dans le sens d’une diversité essentielle, d’une divergence radicale à cet égard entre les Impériaux et les Alliés. Nous resterons donc plus fidèles que lui-même à ses propres vues en concluant contre lui que la paix du monde, c’est notre victoire.

Un second résultat, considéré dans War and the Future, est celui des changemens sociaux. On sait que l’auteur se rattache au socialisme, et la guerre lui paraît travailler au triomphe de sa conception. Elle a fait comprendre à tous la suprématie de la nécessité publique sur chaque espèce de revendication individuelle, fortifié l’idée de service et de responsabilité dans la propriété, remplacé l’idée de profit comme but principal de l’activité économique par l’idée de service collectif, habitué enfin des hommes de la qualité la plus individualiste, des hommes énergiques et faits pour diriger, à envisager les possibilités de l’action collective concertée. Nous ne contestons point ces résultats, et ils sont excellens. Toute la question est de savoir si cette action collective sera nécessairement fondée sur la suppression des classes et catégories sociales plutôt que sur leur accord, leur coopération et leur équilibre. Subordonner les revendications individuelles à la nécessité publique, ce n’est pas du tout supprimer les initiatives individuelles ni les asservir à l’État. L’épanouissement du sens civique n’exclut pas, mais bien au contraire il suppose plutôt une diversité des fonctions et des classes dont il stimule l’émulation et harmonise les énergies.

M. Wells, d’ailleurs, dépasse singulièrement, dans ses conclusions, la double tendance internationaliste et socialiste que nous venons d’indiquer. Et voici où sa pensée est nouvelle, avec un tour très particulièrement anglais. Il se demande quel est l’objet véritable de ce service collectif, quelle est la fin capable de le soutenir et de le justifier. En d’autres termes, il cherche un principe ou un fondement à son humanitarisme, affirmé sous les deux aspects d’une reconstruction sociale à