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exclusive, lorsque MM. Albert Thomas et Varenne la portèrent pour la seconde fois, était dirigée moins contre le nouveau que contre l’ancien président du Conseil. Sous cet anathème, le premier mouvement de M. Painlevé fut de renoncer, comme avait, par son propre départ, renoncé M. Ribot ; mais le premier mouvement n’est pas toujours le bon. M. Paul Painlevé fut rejoint et retenu par des amis ; dans le calme conseil de la nuit, il écouta la voix de sa conscience; elle lui ordonna de faire quand même son cabinet, et, le mercredi, il le fit.

Il le fit sans les socialistes, ainsi que M. Ribot avait voulu faire. Là-dessus, la malignité a aiguisé ses flèches. Pourquoi ce qui était impossible pour M. Painlevé, avec M. Ribot comme président du Conseil, a-t-il cessé de l’être pour le même M. Painlevé, avec M. Painlevé lui-même ? Il y en a qui se sont gaussés de cette apparente incohérence. Mais M. Painlevé n’en avait pas moins fait son ministère, et nous l’en louerons. Sincèrement, sans ironie, nous le louerons de n’avoir pas versé, ainsi qu’on pouvait le craindre, dans un excès « d’esprit de géométrie. » On a dans la mémoire la phrase de Pascal : « Ce qui fait que des géomètres ne sont pas fins, c’est qu’ils ne voient pas ce qui est devant eux, et qu’étant accoutumés aux principes nets et grossiers de géométrie, et à ne raisonner qu’après avoir bien vu et manié leurs principes, ils se perdent dans les choses de finesse, où les principes ne se laissent pas ainsi manier... » M. Painlevé, au contraire, a bien vu ce qu’il avait devant lui, et il a su ne pas « traiter géométriquement les choses fines. » Félicitons-l’en, et surtout félicitons-nous-en.

Epiloguerons-nous, après cela, sur la composition même du cabinet ? L’examinerons-nous tête par tête, et chaque homme par rapport à la fonction ? Nous récrierons-nous devant le nombre inusité des ministres ? Eh ! bien, oui, ils sont trente : quinze titulaires, quatre honoraires, onze sous-secrétaires d’État. On en a vu passer, selon les nuances changeantes du jour, au gré des minutes fugitives, d’une spécialité à une autre, qui est fort différente. Mais ce sont peut-être les lois du genre, et, en tout cas, ce sont les mœurs du régime. Parmi les quatre ministres sans portefeuille, dont s’échauffe tant la bile socialiste et radicale-socialiste, figurent M. Louis Barthou, qui fit voter la loi de trois ans, et c’est une injustice réparée, MM. Léon Bourgeois, Paul Doumer, Jean Dupuy, et c’est de l’activité ou de l’expérience utilisées. Dans beaucoup d’autres, qui sont encore peu connus, on ne saurait refuser de placer au moins des espérances. Assurément,