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comme dit Guichardin, « il y a chez les princes, même grands, très grande disette de ministres bien qualifiés. » Évidemment aussi, il est plus difficile d’en trouver trente de cette sorte que d’en trouver dix, st d’en trouver dix que d’en trouver un. Cependant des hommes peuvent être la monnaie d’un homme ; l’essentiel est qu’il y en ait un qui les persuade et les oblige de faire bourse commune. Qu’ils s’y soient mis à trente, peu nous importe, s’ils nous procurent, dans la quatrième année de guerre, le gouvernement auquel la France aspire, et auquel elle a droit par sa vaillance, par sa patience, en un mot : par sa vertu.

Un gouvernement national. Nous l’appellerons ainsi, s’il l’est par ses intentions et par son action, sans nous attarder à remarquer qu’une moitié de l’opinion en est exclue, qui est une moitié de la France, et qui, quoiqu’on ne pèse point les parts du sacrifice, n’est pas celle qui a le moins donné. Peu nous importe encore : nous ne demandons que d’avoir un gouvernement, nous ne demandons pas d’en être. Que la guerre soit menée à la meilleure fin, à la seule bonne, par un « gouvernement de gauche, » s’il faut, pour l’y mener, entendant au dernier cran toutes les énergies, un « gouvernement de gauche, » nous ne regarderons pas de quelle main il les tend. Nous verrons après, lorsqu’il ne sera plus impie et funeste de discuter, lorsqu’il s’agira non plus de ne pas mourir, mais de recommencer à vivre. Après, nous ferons tout pour ne point vivre comme nous avons vécu, parce que nous voyons clairement et nous n’oublierons pas de quoi nous avons failli mourir. Jusque-là, il n’est pas d’autre vie que de vaincre; pour vaincre, que de s’enfermer irréductiblement dans l’idée de chasser l’invasion; pour être, sûr de la chasser, que de ne pas laisser, par l’espionnage, la trahison, les compromissions louches et les basses manœuvres, détremper l’âme française ; pas d’autre règle que d’avoir une politique de guerre, et de n’en pas faire d’autre ; pas d’autre objet que d’être un gouvernement de guerre, c’est-à-dire d’unir et de tenir unie dans la guerre toute la nation, de ne gouverner pour personne que pour la France, ni contre personne que contre l’ennemi.

Avoir une politique de guerre, être un gouvernement de guerre, gouverner pour la France, ou simplement être un gouvernement et gouverner, c’est employer au mieux les merveilleuses ressources, les réserves inépuisables de la France, ne pas souffrir qu’il en reste d’enfouies, qu’il y en ait d’ignorées, de dédaignées, de perdues, de gâchées. C’est avoir de l’ordre, faire de l’ordre, être un ordre. C’est être une