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cours de toutes les révolutions et dès leurs premières heures, on a vu surgir de l’ombre ces misérables, — les pires ennemis, au fond, de la révolution qu’ils affectent, en la poussant aux extrêmes, de vouloir servir avec zèle : gens qui entendent se tailler une fortune dans une popularité de tribun, ou gens qui plus simplement voient dans l’émeute quelque bon coup à faire, gens que l’étranger paie pour troubler l’Etat et ainsi l’affaiblir et gens qui, aimant le trouble pour le trouble, espèrent que de la révolte on passera au pillage et du pillage au meurtre, gens qui, mécontens de n’être pas de la première équipe arrivée, poussent à renverser celle-ci pour se mettre en place, et gens qui, étant hors la loi la veille, entendent maintenant faire la loi. Le poète les a parfaitement définis (je ne change qu’un mot) :


Un tas d’hommes perdus de dettes et de crimes.
Que pressent de nos lois les ordres légitimes
Et qui, désespérant de les plus éviter,
Si tout n’est renversé, ne sauraient subsister.


On trouve tous ces élémens dans toutes les révolutions : ils ont existé en Grèce, à Rome, dans le soulèvement de nos communes au moyen âge, dans les convulsions d’Italie et des Flandres ; on les retrouve dans notre Révolution. On sait assez qu’on est en train de les découvrir dans une Révolution faite d’hier, traîtres se masquant de démagogie ou simples bandits opérant sous le couvert d’extrêmes revendications, bâtards de toute Révolution, redoutables à celle qui ne sait pas les rejeter de son sein, parce qu’ils en ternissent promptement les plus nobles aspects, en renversent les plus sages conducteurs, en pervertissent le caractère, la font dévier de son but et rendent rapidement la- plus généreuse des causes odieuse aux gens qui l’avaient tout d’abord acclamée, favorisée et servie.


Il était fatal que tous ces élémens, — bons ou mauvais, — de trouble se retrouvassent dans l’armée. Il y avait à côté du soldat patriote aspirant à participer à l’élan de la nation, à côté du soldat ambitieux entendant simplement se pousser sur la ruine de privilèges souvent intolérables, le mauvais soldat