Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/767

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désireux de se venger d’un chef ou, tout simplement, de faire du bruit et de « la casse. »

Une loi, récente, paradoxale, quand on pense que, dix ans avant 1789, se poursuivait déjà la campagne en faveur de plus d’égalité, une loi de réaction qui allait contre les idées des ministres de Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV même, puisque, sous chacun de ces rois, des roturiers comme Faber, Catinat et Chevert, étaient arrivés aux plus hauts grades, l’édit de 1781, rendu par le marquis de Ségur, ministre de la guerre, avait interdit l’accès des grades d’officiers aux sous-officiers non nobles, celui des grades supérieurs aux officiers non pourvus de six quartiers de noblesse, — loi qui eût empêché un Hoche, un Kléber, un Marceau, un Ney, un Moreau, d’être sous-lieutenant, un Davoust, un Bonaparte d’être colonel, alors qu’on donnait ou vendait un régiment à de jeunes seigneurs, « les colonels à bavette. » Un Oudinot, un Masséna, un Murât, devenus sergens, avaient quitté l’armée royale, désespérant de monter plus haut. Beaucoup de la même trempe demeuraient, mais légitimement ulcérés devant un tel état de choses. Tel lieutenant de très petite noblesse, par ailleurs, devait par la force des choses pactiser avec les mécontens ; et si Bonaparte se contente, en 1789 et 1790, d’adhérer aux clubs et de se déclarer bruyamment « patriote, » on verra un Davoust, — l’homme qui, devenu maréchal, devait faire régner dans son corps d’armée une discipline de fer, — soulever le premier son régiment contre son colonel.

On comprend comment, dans ce milieu militaire, fut accueilli le mouvement de 1789. La Révolution allait faire sauter les obstacles qui s’opposaient aux légitimes ambitions ; elle allait ouvrir la voie au mérite, à la valeur, au courage ; elle fut acclamée dans les casernes plus encore que dans les mansardes, et d’ailleurs beaucoup d’officiers nobles, imbus des nouveaux principes, s’associèrent sincèrement à l’explosion de joie qui salua l’avènement de la liberté. On devait voir le lieutenant chevalier des Iles, si ulcéré qu’il se révèle en ses lettres des excès commis, se jeter un jour généreusement entre les troupes qu’il commandait et les soldats insurgés de Nancy, pour éviter que des Français tirassent les uns contre les autres et tomber martyr de ce généreux dévouement.

Dès le début, on vit les soldats pactiser partout avec le