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Mun[1], — et qui n’a rien négligé pour entretenir dans le cœur de ses enfans d’adoption la mémoire d’une mère vénérée, il a gardé un tendre et doux souvenir de « ce coin de Brie où il est né » en 1841, de ce vieux château de Lumigny « où se sont écoulées les belles années de son enfance et de sa jeunesse[2]. » S’il faut l’en croire, il n’aurait qu’à moitié profité. des leçons d’un vieux précepteur et de ses maîtres d’un collège libre de Versailles. Avec une modestie charmante, il nous avoue qu’il était peu travailleur, « médiocre écolier, » qu’il fut refusé au baccalauréat ès lettres, et qu’il est « arrivé non sans peine au baccalauréat ès sciences et à l’Ecole militaire[3]. » Et sans doute il était grand liseur, et il avait, malgré tout, conservé quelques vestiges d’une culture littéraire assez sérieuse. Mais ne pourrait-on pas rapporter à cette légèreté juvénile ce qu’il y eut parfois d’un peu hâtif dans les idées qu’il a professées, et, qui sait ? peut-être aussi cette absence d’inquiétude intellectuelle qui caractérise sa physionomie et son œuvre ?

Les circonstances, la tradition familiale, l’exemple de son frère, plus qu’une vocation irrésistible, le firent soldat. « J’étais entré, nous dit-il, dans l’armée comme on y entrait, il y a cinquante ans, dans les familles que les révolutions politiques avaient éloignées des autres carrières, pour y passer quelques années de jeunesse[4]. » Les événemens l’y retinrent plus longtemps. Il devait nous conter en deux volumes les souvenirs de « sa vie militaire, » et il est fâcheux qu’il n’en ait pas trouvé le loisir[5] : nous aurions eu plaisir à mieux connaître ces années de formation et de première maturité où déjà se dessine s’éprouve et s’affirme la future personnalité morale. On n’a pas pendant quinze ans porté l’uniforme, sans en garder un peu le pli dans sa pensée et jusque dans son âme.

À sa sortie de Saint-Cyr, en 1862, Albert de Mun se fit envoyer en Algérie, à ce 3e régiment de chasseurs d’Afrique où

  1. La marquise de Mun, par Mme Augustus Craven, née La Ferronnays, 1 vol. in-8, Paris, Didier, 1817.
  2. La Guerre de 1914, p. 266 ; — Ma vocation sociale, p. 17.
  3. Ma vocation sociale, p. 55.
  4. Id., p. 39.
  5. Il en a pourtant esquissé quelques chapitres, au hasard des circonstances, dans les trois derniers volumes des Combats d’hier et d’aujourd’hui, et il semble (t. V, p. 200) qu’il ait commencé la rédaction de ses souvenirs d’Algérie.