avait déjà servi son frère et où il devait « laisser son cœur de vingt ans. » Il partit « plein d’un entrain qu’augmentaient encore l’attrait d’un pays inconnu et l’espérance d’une carrière aventureuse[1]. » L’Algérie l’enchanta et lui laissa des souvenirs qui, a plus d’une reprise, lui remontaient à la mémoire et aux lèvres quand il parlait des questions militaires. « Je me rappelle, s’écriait-il un jour à la Chambre, je me rappelle cette fierté qui saisissait alors les âmes au récit des grandes choses du passé et l’air de tous ces visages quand l’escadron, en marche sur un sentier d’Algérie, s’arrêtait tout à coup devant une pierre, un buisson, marqués par le souvenir d’un combat où le régiment avait donné, pour faire front et présenter le sabre[2]. » » Et dans l’un de ses tout derniers articles, il évoquait encore la vision des brillans combats d’alors[3]. Ses cinq campagnes en terre africaine n’ont pas eu seulement pour résultat, en lui forgeant une âme de soldat, active et disciplinée, de fortifier son expérience des choses de l’armée et de la guerre ; elles lui ont donné le goût et le sens des problèmes de politique coloniale. L’expansion de la France au dehors n’a pas eu de partisan plus résolu, et quand, plus tard, il est intervenu dans les débats parlementaires à propos du Tonkin ou de Madagascar, de la Tunisie ou du Dahomey, ce fut toujours avec une hauteur de pensée et une justesse d’intuition auxquelles ses collègues rendaient volontiers hommage. Comme quelques-uns des plus clairvoyans des Français de son temps, il voyait, surtout depuis nos malheurs, dans notre empire d’outre-mer, « une réserve pour l’avenir[4]. » L’événement allait lui donner pleinement raison.
« Si j’étais royaliste pour ainsi dire d’habitudes, a écrit Albert de Mun, je ne l’étais ni avec beaucoup de ferveur, ni surtout avec beaucoup de réflexion. Je ne sentais pas en moi la i raison d’être d’une fidélité dont je n’avais jamais connu l’objet et qui demeurait passive. Il s’en était fallu de peu, ou pour mieux dire, il n’avait tenu qu’à la désapprobation de mon père, devant laquelle je m’étais incliné, que je n’acceptasse, à ma