que se noua, dans une symbolique accolade, entre le lieutenant Albert de Mun et le capitaine René de La Tour du Pin, une de ces amitiés dont un avenir prochain devait montrer la force et la fécondité.
Puis ce furent le blocus et la capitulation de la vaillante cité lorraine, et le dur exil sur la terre étrangère. Dans le premier article qu’ait publié Albert de Mun, il a tristement évoqué ce « convoi d’officiers prisonniers de guerre se dirigeant vers l’Allemagne, le front courbé et les larmes dans les yeux : en passant à Nancy, il fallait qu’une garnison prussienne vint les défendre des injures et de la brutalité de la foule[1]. » A Mayence, il retrouva son ami La Tour du Pin, qui se jeta dans ses bras et sut, par la réconfortante vigueur de son accueil, lui rendre « l’espoir viril des prochaines régénérations. » Internés tous deux à Aix-la-Chapelle, ils passèrent là dans une intimité de tous les instans les quatre mois de leur captivité, commentant les douloureuses nouvelles qui leur arrivaient de France, recherchant ensemble les causes profondes de nos malheurs, s’efforçant de trouver un moyen d’y porter un efficace remède. La Tour du Pin revoyait et complétait, en vue d’une publication future, les notes qu’il avait prises pendant le siège de Metz et où il s’interrogeait sur ces graves questions : son nouvel ami s’associait à ce travail. Déjà, ce qui « tentait leurs ambitions, » « ce n’était plus uniquement un espoir de revanche, un relèvement purement militaire, mais une réforme des mœurs et des idées. » Un Jésuite, le Père Eck, qui se montra compatissant à leur infortune, leur fit lire le petit livre d’Emile Keller, l’Encyclique du 8 décembre 1866 et les Principes de 1789 : ces pages où l’auteur, au nom de « la vérité catholique, » dénonçait énergiquement « l’erreur révolutionnaire, » les « remplirent de la plus vive émotion. » En même temps, au foyer d’un futur membre du Centre allemand, le docteur Lingons, ils apprenaient à connaître les doctrines et les héros du mouvement catholique populaire dont Ketteler avait été l’initiateur. C’est dans cette voie, pour eux assez nouvelle, qu’ils étaient résolus à chercher le salut de la patrie.
La paix signée, après un voyage dont il garda toujours l’atroce et humiliant souvenir, Albert de Mun rentrait dans
- ↑ Correspondant du 27 août 1871 (non recueilli en volume).