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Paris. C’était le 15 mars. Trois jours plus tard, la Commune éclatait.

Attaché, ainsi que son ami La Tour du Pin, au général de Ladmirault, « pendant ces deux horribles mois du printemps de 1871, » Albert de Mun eut à prendre part aux opérations de cette lutte fratricide. La colère, l’indignation, la pitié aussi, mille sentimens, mille pensées diverses agitaient son âme. Les tragiques ou hideux spectacles dont il fut le témoin angoissé, le massacre des otages de la Roquette, les autels profanés, les croix renversées de l’église de Belleville, l’incendie îles Tuileries, les rigueurs d’une répression qui, trop souvent, dépassa le but, tout cela l’amenait à se poser la même question : Qu’avait fait la société légale pour former la conscience populaire ? Et n’avait-elle pas la première manque à son devoir et à son rôle d’éducatrice ? Ayant semé l’indifférence religieuse et morale, n’était-il pas naturel qu’elle récoltât la révolution ?

L’ordre rétabli, le général de Ladmirault, nommé gouverneur de Paris, s’installa au Louvre. Ses officiers d’ordonnance l’y suivirent. Ne séparant pas l’une de l’autre la préoccupation militaire et la préoccupation religieuse et sociale. Albert de Mun travaillait, étudiait, s’informait, cherchait sa voie. Il n’allait pas tarder à la trouver.

Un petit livre, qui n’est pas de lui, mais qu’il avait vu naître, et dont il avait médité toutes les pages, traduit exactement son état d’esprit d’alors. C’est celui que son ami La Tour du Pin avait commencé à Metz et qu’il publia au mois d’août 1871, sous le titre : L’Armée française à Metz[1]. Esprit vigoureux, et même pénétrant, très généreux d’ailleurs, — il l’a bien prouvé pendant la guerre actuelle, — mais un peu abstrait et systématique, trop fermé aux réalités de l’histoire et de la vie, trop porté aussi à vivre- replié sur soi-même et à se nourrir de sa propre substance, assez peu écrivain, René de la Tour du Pin-Chambly a été pour Albert de Mun plus qu’un tendre ami, une sorte de guide intellectuel à la fois très suggestif et peut-être un peu dangereux. Ce « féodal, » cet admirateur de Joseph de Maistre et de Bonald, cet ennemi-né de l’esprit révolutionnaire a parfois un peu trop

  1. L’Armée française à Metz, par le comte de la Tour du Pin-Chambly, de l’état-major du 4e corps, 1 vol. pet. in-16 ; Paris, Amyot.