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Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/857

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La nuit, la mer devint houleuse. Vers le petit matin, elle était démontée. C’est alors que, sur un coup de sifflet, nous partîmes à toute vitesse ! La journée fut dure. Puis, le lundi 16, à huit heures du matin, une accalmie, et un stoppage. Qu’y a-t-il ? Machinalement, on étend la main vers la ceinture de sauvetage. Mais non, c’est le fjord ! On se précipite, et, du pont, on voit le large et profond estuaire, des sinuosités grises couronnées de neige, des chalets rouges plantés dans les névés, des barques de pêcheurs vaquant à leurs filets, et, tout là-bas, derrière des flots bleuâtres, un port découpé, escaladant une conque de montagnes : c’est Bergen.


PREMIER SÉJOUR EN NORVÈGE

16 avril-6 mai.

Dès le débarquement, la Scandinavie nous saisit par son double effet : l’enchantement des yeux, la joie des poumons. Qu’il fait beau regarder, qu’il fait bon respirer ! A la gare, nouvelle rencontre : M. Albert Thomas, débarqué quelques vagues plus bas que nous, et qui s’engouffre avec nous et le flot des Russes dans le rapide (tout est relatif) Bergen-Christiania ! De huit heures du matin à onze heures du soir, quinze heures de voyage par le plus splendide soleil dans le plus magnifique paysage du monde, le long des fjords, des champs de neige, des cascades, des lacs et des bois de bouleaux ! La journée ne fut que beauté d’un bout à l’autre. Et, à l’intérieur du train, le long de tous les couloirs, s’activa l’alliance franco-russe. Présentations, visites à notre ministre, à son état-major, aux attachés « détachés » pour le recevoir ; reconnaissances et causeries par groupes. Ainsi se déroule sous nos yeux, ce mardi 17 avril, une nouvelle page d’histoire, détaillée en conversations infinies, d’où se détache ce mot d’un juriste norvégien, M. Roestad, celui qui revient de la Maison-Blanche : « La France est le sel de la terre. » Sur cette belle parole, nous touchons à Christiania. La suite de notre voyage s’annonce avec bonheur.

Nous savions, au reste, que nous arrivions chez des amis. Dès le lendemain, à la table du ministre de France, la grande mission dirigée vers Pétrograd par M. Albert Thomas, et notre petite mission infiniment plus modeste, prenaient ou reprenaient des contacts affectueux avec la sympathie norvégienne.