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soulagement que les fervens de la France n’ont rien calmé de leur ardeur, et au contraire, depuis que la grande lutte a rouvert un débat qui met en cause leur Alsace presque autant que la nôtre. Dans les brèves heures dont je dispose, je ne puis que recevoir un instant l’hospitalité très gracieuse de notre ministre, puis chercher la rencontre de M. Nyrop, que je manque. Je trouve, en revanche, le vénérable philosophe M. Höffding, le « pensionnaire national, » dont la haute sérénité, analogue à celle de notre Boutroux, n’est point exempte de sympathie pour les défenseurs des principes éternels de la justice et du droit. Son salon fut naguère ouvert à la parole ardente de Charles Richet, et cette séance a laissé de profonds souvenirs. Guidé par mon cicérone danois, M. Knut Ferlov, — un ancien élève de Bergson qui a traduit Bergson en sa langue, et qui a porté de rudes coups au dieu Georges Brandès, — je m’achemine chez le docteur Tscherning, dont la femme et la fille soignent nos blessés dans les hôpitaux de Paris. La conversation fut réconfortante. Et elle devint tout à fait passionnée chez l’éminent docteur Ehlers, membre correspondant de notre Académie de médecine, et président très actif de l’Alliance française de Copenhague. C’est pour le coup que je maudis mon horaire brusqué ! Si j’avais prévu cette chaleur, cette insistance ! Mais quoi ! j’en savais assez pour renseigner celui qui devait me succéder. M. Ehlers utilisait au bateau même, mes dernières minutes, et il m’écrivait aussitôt après, à propos d’un petit don de livres : « Ce don nous arrive à un moment où je fais des efforts particuliers pour fortifier la « tranchée danoise » de l’Alliance française avec les « sacs » de la littérature française. J’ai pu ramasser, pendant la guerre, 1 200 volumes, malgré le grand nombre que nous avons distribués aux camps des prisonniers… Nous faisons appel à tous nos amis de France, en les priant d’examiner bien leurs bibliothèques, et de ne pas brûler leurs vieux bouquins, mais de nous en faire cadeau. Aidez-nous à remplir cette noble tâche, de rendre les trésors de la littérature française accessibles à nos compatriotes… » J’ai promis à M. le Dr Ehlers que je me ferais l’écho de son appel. Je tiens ici parole.

Le lendemain, j’étais à Lund, où je donnais ma première conférence en Suède. L’empressement avec lequel est reçu, en Suède, un membre de l’Université de France, et les égards qui