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lui sont toujours et partout témoignés, sont trop agréables à consigner ici pour qu’on ne s’en fasse à la fois un devoir et un plaisir. Avant moi, M. Baldensperger et M. Paul Verrier en avaient fait l’expérience. A Lund, la conférence fut précédée d’un banquet universitaire, où assistaient, outre le recteur, le prorecteur, les professeurs, notre « lecteur » M. Ganem et M. Ackrel, un certain nombre de dames. Un très élégant toast fut porté au conférencier, et par-dessus son épaule à l’Université de France, par M. Wrangel, professeur d’histoire de l’art.

Des propos très sympathiques s’échangèrent ensuite, où le nom des maîtres de la Sorbonne et du Collège de France revint souvent. Mais c’était le nom de Gaston Paris, surtout, qui était dans toutes les bouches. En Scandinavie, comme en Hollande, le rayonnement de ce nom est incomparable. Tous les maîtres actuels de philologie se réclament de lui, et aussi de Paul Meyer, et se font gloire d’être leurs disciples. Et ceci, pour nous borner à cet exemple, atteste que notre haut enseignement possède certaines supériorités proclamées par tous hors de pair. Gaston Paris a marqué la science des langues romanes, dans le monde entier, du sceau de la France. Aussi, comme il serait à souhaiter que tous ceux qui, à l’étranger, se réclament si justement de sa méthode, pussent avoir hérité aussi de son esprit si compréhensif, si généralisateur ! Ce n’était pas seulement un maître en philologie, mais un maître en psychologie ; ses conclusions traversaient les siècles pour relier la vie d’aujourd’hui à la vie d’autrefois. Elles étaient une démonstration sur le vif de la pérennité de l’âme française, de sa supériorité, de sa beauté. Le « vieux français » n’était pas pour lui un cimetière de mots dont on catalogue les ossemens. Comme Michelet, il faisait sortir le Lazare de sa tombe, et avec lui la philologie aussi était une « résurrection. » Le passé revivait à la lumière du présent. Ce n’était donc pas une étude de fossiles que la sienne, et il ne traitait aucune langue romane, à plus forte raison le « roman » français, en langue morte. Il ne l’exilait point, ne la reléguait point loin de ce qu’elle a enfanté. Y a-t-il une science de la racine sans celle de l’arbre développé ? La langue française ne doit-elle être étudiée que comme un mécanisme d’archéologie ? n’offre-t-elle qu’un intérêt rétrospectif ? J’entends bien que, ainsi prise (et c’est ainsi qu’on l’étudie en Scandinavie et ailleurs), c’est une étude de tout repos, comme