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est périodiquement forcée d’interner quelque sous-marin allemand, qui s’évade, de se prémunir contre le zèle indiscret de la propagande allemande, de saisir et de détourner la main allemande qu’elle surprend dans ses agitations, dans ses grèves, jusque dans ses querelles intimes et dans ses difficultés domestiques. La Suisse, la Hollande, se débattent sous une pression qui se fait de plus en plus étouffante, courbées, par l’exploitation éhontée de leurs besoins de charbon et de fer, sous des marchés de plus en plus léonins. Des trois États Scandinaves, le Danemark est aux aguets, la respiration coupée par la terreur; la Norvège regarde s’engloutir sa marine de commerce; la Suède, évidemment, est enchantée de l’honneur que lui feront dans l’histoire les attentions du comte de Luxburg.

Si elle en a témoigné peu de gré à son gouvernement, qui peut-être n’en pouvait mais, — du moins en la personne de M. Swartz et de l’amiral Lindman, puisque les faits remontent au ministère Hammarskjöld, — c’est que les peuples sont ingrats, et que les électeurs sont inconstans ; mais, lui, M. Michaëlis, ne peut que se réjouir « des relations de l’Allemagne avec les neutres. » Tant pis pour les conservateurs suédois, si la divulgation des procédés de Von Luxburg à Buenos-Ayres et de Von Eckhardt à Mexico, aux dépens de l’ingénuité Scandinave, leur coûte vingt-cinq sièges au Riksdag! Ce n’est fâcheux que pour l’Allemagne, en ce que le roi Gustave, quelles que soient ses sympathies, et quelque résistance que lui permettent la Constitution et les usages, peut se voir réduit à appeler au pouvoir des libéraux peu germanophiles, comme le professeur Éden, ou même un francophile déclaré, comme le socialiste Branting. M. de Kühlmann, tout sucre et tout miel, ne désespère pas, malgré tout, « que l’attitude correcte de la Suède ne sera pas influencée par l’issue des élections législatives. » Et il est avéré que l’Allemagne a qualité pour délivrer ainsi des brevets de « correction ! »

Il y a, comme toujours, des symptômes de crise en Autriche, où le cabinet présidé par M. de Seidler, sautant d’un pied sur l’autre, n’arrive à se faire prendre, ni, en dépit de ses flagorneries, pour un ministère parlementaire, ni, en dépit de ses simagrées, pour un ministère national. Lorsqu’on lui reproche de n’être qu’une collection de chefs de bureau, il montre avec orgueil un ou deux gentilshommes, et de n’être qu’une compagnie allemande, plus fièrement encore il exhibe un Polonais, un Yougo-Slave, un Oukranien, un grand propriétaire tchèque, ou tchéquisé, d’origine ibérique, le comte Silva Tarouca. Mais cette exposition ne le consolide pas ; et les nationalités