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abandonnent, et les élections du 7 novembre 1867 sont plus favorables que par le passé à la monarchie des Hohenzollern. Napoléon III n’est-il pas trop vieux et trop las pour montrer quelque vigueur ? L’Empereur a trompé l’espoir des populations, tout comme Louis-Philippe et la seconde République. Et alors, s’il est décidé à ne pas agir, pourquoi s’acharner dans une opposition dont on ne tirera aucun bénéfice ? Ne vaudrait-il pas mieux faire capituler la haine, s’accommoder d’une domination qui dure depuis cinquante années, et dont rien n’annonce la fin prochaine ? « Si la France, déclare en 1868 un Rhénan au général Ducrot, n’est pas assez forte, assez résolue pour nous prendre sous son patronage, pour nous ouvrir les bras, nous nous jetterons dans ceux de la Prusse, de cette nation jeune et pleine de sève, à laquelle semble appartenir l’avenir. Mais que la France fasse preuve de force et de volonté, et c’est vers elle que nous entraînera tout naturellement le courant de nos sympathies et de nos intérêts. »

Pourtant il ne faut rien exagérer. Il ne s’agit encore que d’une diminution de notre influence, non pas, et à beaucoup près, d’une faillite totale de notre crédit. Malgré la timidité de sa politique militaire, la France passe toujours pour avoir une armée très solide. Elle n’a pas été battue sur les champs de bataille, et elle conserve un prestige intact, celui qu’elle a retiré de ses victoires de Grimée et d’Italie. Il ne manque pas d’ailleurs, dans les provinces rhénanes, de survivans de la prodigieuse épopée pour comparer les maigres succès de la Prusse aux éclatans triomphes du premier empereur. La monarchie des Hohenzollern, quelle que soit son énergie offensive, parait toujours faible : elle a profité d’un concours exceptionnel de circonstances ; elle a eu un bonheur qui ne se reproduit jamais deux fois. De plus, elle est pauvre, et l’on ne voit pas bien comment elle pourrait s’enrichir. La France, au contraire, est toujours opulente, pleine de capitaux en production : ses grands travaux et ses emprunts témoignent de son incomparable prospérité. Les Rhénans prennent part à notre Exposition de 1867. Désireux de se confirmer dans l’idée que nous sommes toujours la « grande nation, » ils accourent en foule à Paris, ils y admirent les élégances françaises et constatent notre richesse, puis ils retournent chez eux en emportant les portraits de Napoléon III, de l’impératrice et du prince impérial. Clara