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Bülow tenait des propos analogues ; il n’en demandait pas le secret ; au contraire, et ils furent rapportés devant témoins. Après un grand éloge des vertus déployées par nos soldats dans cette tragique épreuve, et l’assurance qu’il regarderait comme le couronnement de sa carrière de pouvoir dissiper toute haine, toute rancune entre son pays et le nôtre, il ajoutait que l’Allemagne, au besoin, payerait ce bienfait de la restitution de l’Alsace-Lorraine. Et comme son interlocuteur, syncopé, — on l’eût été à moins ! — n’avait pu s’empêcher de faire observer : « Altesse, vous n’auriez pas dit cela au mois de septembre ! — Mais si, aurait vivement riposté M. de Bülow, mais si, dès le mois de septembre ! » M. von dem Bussche, qui n’en est pas à une dénégation près, pourra, encore ici, démentir autant qu’il lui conviendra : ce sont des choses qu’il n’a pas sues, trop occupé qu’il était, en ce moment-là, à enterrer des caisses de bacilles dans le jardin de sa légation de Bucarest.

Entre ces premières ouvertures, ou plutôt, pour employer l’expression même de M. Ribot, ces premiers murmures et les plus récens, se sont sûrement intercalées cinquante tentatives du même genre. Personne n’a songé à les prendre au sérieux. « Nous aurons la victoire, et nous aurons l’Alsace-Lorraine, » a affirmé avec force M. Ribot. Spontanément, immédiatement, M. Asquith, M. Lloyd George, le lord Chancelier en Angleterre, le ministre italien Comandini, le président Wilson et le gouvernement des Etats-Unis, ont répété et renouvelé le serment. Tous s’accordent à mettre en lumière la valeur de symbole qu’a prise la restitution à la France de l’Alsace-Lorraine, dans cette guerre qui a été entreprise pour la défense et, se poursuit pour la réparation du droit. Oui, pour tous les Alliés, l’Alsace-Lorraine française est devenue le symbole de la victoire de l’Entente, à ce point que ce sont comme les deux termes d’une équation fondamentale, dont le second est la traduction, la transcription, la consécration visible et tangible du premier. Mais, parallèlement, et par-là même, par le contre-coup nécessaire de ces affirmations solennelles, pour l’Allemagne aussi, l’Alsace-Lorraine a pris la valeur d’un symbole. Lâcher la terre d’Empire, ce sera pour l’Empire avouer sa défaite. Il ne la lâchera donc que la main, le poignet, le bras et les reins brisés. Dire, par conséquent : « Nous aurons la victoire, et nous aurons l’Alsace-Lorraine, » c’est dire bien, mais ce n’est pas assez dire. Nous n’aurons l’Alsace-Lorraine que par la victoire. Victoire, au demeurant, qui peut n’être pas exclusivement militaire, pas exclusivement la victoire des armes, qui, au dernier