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même à faible dose, est vénéneux, il entraîne la diminution de la volonté et de l’intelligence, et parmi les tares transmissibles, la démence, la fureur épileptique et la paralysie générale. Enfin la débauche et l’ivresse fraternisent, s’excitent l’une l’autre, accumulent leurs dommages sur l’être perverti par elles et livrent son corps déchu au mal qu’on pourrait appeler le mal des démocraties : car dans les sociétés où presque tous doivent gagner leur vie, et l’user pour la gagner, l’anémie livre les organes du pauvre à la pire envahisseuse, à la destructrice universelle : la tuberculose. Quant aux excès du labeur s’ajoutent ceux du boire et de la volupté, il faut désespérer de la santé générale. Les chefs de la science médicale proclament que « l’implacable continuité du mal fait la tuberculose autrement meurtrière que les fléaux historiques : la peste, le choléra, les inondations, les tremblemens de terre[1]. »

Si cette contamination n’épargne aucun des peuples modernes, sa triple malignité a atteint particulièrement la France. Les excès alcooliques étaient comme préparés à notre pays par l’abondance et la qualité de ses vignobles et la coutume de s’abreuver à grands coups aux vins nationaux, et, hier encore, il se buvait plus d’absinthe dans la France seule que dans le monde entier. L’avarie menaçait une race au tempérament sensuel, et aujourd’hui les professeurs de médecine ne dissimulent pas les ravages du mal[2]. Enfin la France a été le pays où la tuberculose allait multipliant le plus les victimes.

Mais si ces trois fléaux préparent une génération qui, affaiblie par leurs malfaisances héréditaires, n’aura plus la force d’enfanter, ils sont lents à produire cette déchéance suprême. Aucun d’eux n’entraîne comme suite immédiate la stérilité. Leur plus redoutable mal est au contraire de transmettre leurs tares. Les nations les plus contaminées par l’avarie comptent parmi les plus prolifiques ; l’ivresse, la tuberculose, au lieu d’amortir les instincts sexuels, les rendent plus vifs. La comparaison entre les autres races et la nôtre prouve que la France n’est pas le pays où l’avarie sévit le plus ; la comparaison avec

  1. « Ne fauche-t-elle pas sur le globe annuellement, plus de 2 000 000 de vies humaines ? » — (Le professeur Landouzy, en avril 1912, au Congrès international de Rome contre la tuberculose.)
  2. Quinze pour cent, suivant les uns, vingt pour cent, suivant les autres, soit un individu sur cinq à six. — Voir Emile Duclaux, L’Hygiène sociale, p. 235.