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de trente, l’Allemagne de 1870 avait quadruplé presque la masse où elle puisait ses soldats, nous n’avions pas même accru d’un quart la nôtre, et les deux peuples commençaient la lutte égaux en nombre. A l’énorme gain de population l’Allemagne joignait la supériorité de la méthode, de la volonté, de la haine par lesquelles elle nous avait surpris, dominés et vaincus.

Si la France n’acceptait pas comme définitive sa défaite, elle n’avait qu’une chance de revanche : revenir aux disciplines dont elle s’était déshabituée et dont s’était fortifiée l’Allemagne. La France le comprit soudain lorsque, faisant sortir de la défaite l’Assemblée nationale, elle appela au secours le passé. Les hommes du 4 Septembre qui représentaient Paris, l’infaillibilité révolutionnaire de la capitale, l’idolâtrie de l’humanité, l’affaiblissement du pouvoir familial, la restriction volontaire des naissances dans le mariage et le sans-gêne du célibat, disparurent devant les mandataires de la tradition, du catholicisme, des mœurs conservées par la province, des foyers encore féconds. Et, au lendemain de la paix si sombre pour nous et si éclatante pour nos ennemis, on se plaisait à saluer un symbole des changemens qui peut-être se préparent à la fortune présente. Quand, à Berlin, Guillaume, Bismarck et Moltke, trinité triomphale, font par leur accueil peser sur l’ambassadeur de France le poids de la victoire allemande, cette victoire en leur personne même subit une première déchéance : l’avenir lui manque. Guillaume a deux enfans, Bismarck deux, Moltke pas un, et notre ambassadeur, le vicomte de Gontaut-Biron, est père de dix-neuf enfans. Mais l’Assemblée nationale ne sut pas fixer la sagesse vers laquelle s’étaient retournés nos malheurs. Ses dissensions politiques discréditèrent ses doctrines sociales. Son impopularité réhabilita peu à peu le parti qu’elle avait remplacé et, après un interrègne de cinq ans, la politique révolutionnaire, qui déjà était depuis plus d’un siècle devenue notre tradition, revenait au pouvoir, irritée de sa courte disgrâce, impatiente de prendre sa revanche et plus soucieuse de transformer la société que de défendre la patrie.

Au lendemain de cette guerre, perdue surtout par la décadence de la famille, la première campagne du parti, et menée avec le plus d’ardeur, fut contre l’indissolubilité du mariage. La loi qui, dès 1881, autorisait le divorce entre les époux, proclamait le divorce entre les mœurs nouvelles et la vieille foi.